Agonie du capitalisme : les douze salopardes de l’effondrement d’un empire

<< Ouais, ouais, ça fait des années maintenant qu’on nous dit que le capitalisme est à l’agonie. En attendant, il est toujours là ! >>

J’invite les commentateurs pressés à œillères, pour qui ce genre de propos sert surtout d’anxiolytique pulsionnel contre un stress existentiel en période troublée, à lire ce descriptif minutieux du lent, très lent processus d’effondrement des empires.

Oh bien sûr, écrit notre analyste, un certain Charles Hugh-Smith, un empire peut s’écrouler brutalement. Mais la plupart du temps ce n’est pas du tout comme ça que ça se passe : un empire agonisant commence par s’évider de l’intérieur. Un vilain et lancinant cancer qui ne tient certes pas dans l’intervalle interpublicitaire d’un fugace journal télévisé.

Les douze salopardes

Et notre analyste de répertorier minutieusement les douze (lentes, très lentes) étapes salopardes de cette interminable agonie :

  1. chaque institution du système perd de vue son objectif initial de servir la population et ne se préoccupe plus que de sa propre survie ;
  2. ce statu quo corrompu corrompt chaque personne travaillant au sein du système corrompu : tous pour un et surtout tous (les bonus) pour moi ;
  3. chaque institution corrompue ne se choisit plus que des dirigeants sociopathes dont la seule compétence est d’escroquer les autres ;
  4. les gardiens du temple corrompu préservent coûte que coûte le statu quo et punissent toute tentative d’innovation ;
  5. à mesure qu’augmentent les coûts irrécupérables pour sauver le système agonisant, s’accroît en conséquence la résistance à tout système novateur ;
  6. la mémoire institutionnelle et la pensée unique tentent de faire survivre les vieilles méthodes du passé, même si celles-ci ont clairement failli ;
  7. cette dynamique de l’érosion conduit chaque institution finissante a exiger toujours plus d’argent pour financer son insignifiance, sa corruption et son incompétence ;
  8. l’incompétence est récompensée et la compétence sanctionnée ;
  9. plus les rendements diminuent, plus les coûts s’élèvent, et plus le système dépérit ;
  10. plus les économies d’échelle s’hypertrophient (la mondialisation), et plus les rendements sont en berne ;
  11. le trop-plein ne remplit plus que les poches d’une misérable élite corrompue et défaillante ;
  12. les vieilles élites et les intérêts dominants deviennent imperméables aux SOS lancés par leurs hommes de terrain.

Indécrottable cécité

Voilà comment les empires et leurs légions devenues fantômes s’effondrent, conclut Charles Hugh-Smith. Le processus d’auto-destruction qu’il décrit est celui de tous les empires disparus, de l’antique empire romain à la finalement plutôt éphémère Union des républiques socialistes soviétiques.

Simple question de temps, d’impuissance contaminée, de corruption passée en pertes et profits, de lâchetés multipliées.

Tout ça ne vous dit rien ? Ne vous rappelle rien ? Ne vous suggère ni ne vous alerte en rien ?

Tant pis, notre indécrottable cécité nous contraint toujours à rebâtir sur des ruines. Car le travail de sape irréversible qui ébranle notre empire actuel continue, lui, son oeuvre saloparde de destruction.

Aller plus loin

This Is How Empires Collapse (par Charles Hugh-Smith)

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