Imaginez. 8h00 du matin. Vous êtes assis à votre table de cuisine en train de terminer votre petit-déjeuner, la tête encore un peu enfarinée. Soudain, la sonnerie du téléphone. C’est votre banquier…
<< Allo, monsieur Christos ? Votre conseiller en clientèle à l’appareil. Monsieur Christos, suite au non-paiement répété et inadmissible de vos échéances de prêt, nous avons le plaisir de vous annoncer notre décision de ramener le montant de votre encourt de 10 000 à 3 000 euros. Soit une réduction à l’amiable de 70% de votre dette… >>
Vous voyez votre tête devant ce « geste commercial » insensé ? Aussi sec, vous sautez dans vos habits, vous vous précipitez au boulot où vous terminez votre période de préavis avant licenciement collectif, et hélez vos collègues de galère.
<< Ho, les fauchés ! Oliveira, Manuel, Mario, Brady, Maurice, savez pas ce qu’y m’arrive ?… >>
Autant vous dire, mieux vaut presque être à votre place qu’à celle de votre conseiller en clientèle. Imaginez-vous assis dans son petit fauteuil, dans ce bureau glacial, et ce purée de téléphone qui n’arrête pas de sonner…
<< Allo, senhor lé chargé dé clientèle, ici Oliveira, yé entendou dire qué… Hola, ici Manuel, monsieur le chargé… Pronto, Mario à l’appareil… Brady speaking… Maurice, monsieur le chargé en clientèle… >>
Tel est pris qui croyait prendre
Ben voilà, pas la peine de chercher plus loin, vous venez d’avoir une petite illustration de ce qui s’est passé hier pour la Grèce.
Et de ce qui ne va pas manquer de se produire dans les mois à venir avec les éclopés portugais, espagnol, italien, irlandais, français même peut-être… Pensez-vous sérieusement que ceux-là, pressés comme des citrons, ne vont pas réclamer leur dû ?
Car c’est à une révolution aussi surréaliste que celle qui vous est tombée dessus dans votre cuisine, à laquelle nous assistons. L’effacement officiel, contraint et forcé, à environ 70%, de cette dette grecque par laquelle les financiers tenaient pourtant ce pays sous férule.
Vous avez vu, hier, c’est le débiteur grec qui menait ses créanciers à la baguette. 107 milliards de dette piétinés. Le monde à l’envers !
Tout un système qui bascule
Bon, attendons un peu la réalisation de l’affaire. Il y a souvent un fossé entre les promesses de dons du téléthon et les sommes véritablement versées. Les créanciers de la Grèce ont jusqu’au lundi 12 mars pour rapporter leurs titres pourris.
Et les détenteurs de titres de droit non grec viennent de se voir accorder un délai supplémentaire jusqu’au 23 mars pour donner leur réponse. Sans compter qu’il faut que les compères de l’UE et de la Troïka lâchent en échange les 130 milliards d’aide promise. (Où diable vont-ils les prendre ?)
Enfin, il y a cette affaire de CDS (credit default swaps), Les CDS, ce sont des assurances que certains petits malins ont prises pour se garantir contre le défaut de paiement du débiteur. Évidemment ceux qui viennent de s’assoir sur 70% de leurs créances vont réclamer l’activation de ces assurances. Or, qui paiera les CDS ? Les banques.
Allez, je sens que vous décrochez. Je vous laisse à l’euphorie de votre miraculeuse surprise de ce matin, dans votre cuisine, quand le téléphone a sonné. Vous n’y croyez pas ? Vous avez raison, vous n’êtes pas plus sauvé que la Grèce où la récession s’avère naturellement << pire que prévu >>.
Mais le système financier, lui, est bel et en train de basculer comme prévu et votre chargé de clientèle a du souci à se faire.