Le danger collectif que présente cette maladie virale

Automne 2019. Je raconte à un copain médecin mes rencontres de naguère avec Florian qui souffre d’une tuberculose antibio-résistante. Le médecin fronde le sourcil en entendant « antibio-résistante ». Et me balance des explications détaillées sur la grande difficulté à soigner cette saloperie. Sur le risque encouru par le gars qui vit sous la tente avec Florian. Et sur le danger collectif, pas seulement individuel, que présente cette maladie.

« La santé est un bien commun et ça nous éclate au visage aujourd’hui : une personne mal soignée est une personne qui peut en infecter d’autres. »

En ces temps où un virus se promène par monts et par vaux sans se soucier exagérément de distinction sociale, voilà qu’il me prend l’idée de republier l’histoire de Florian… Une illustration du bon sens exprimé par Aude Vidal : « C’est ensemble que nous serons en bonne santé. Ou non. […] Nous avons besoin de nous soigner tous pour soigner notre société et mettre chacun à l’abri du pire, virus ou effondrement. »


Florian est saisonnier. Après les cerises et les pêches, les melons et les abricots, il cueille les pommes et les poires, gaule les noix et fait les vendanges. L’hiver ? Y’a le poireau, le chou, la greffe de vigne et la taille des arbres fruitiers. Toute l’année sous la tente entre deux rangées d’arbres. Toujours en tandem avec le même copain de galère. « C’est quand même mieux que d’être toujours tout seul. » Ils approchent tous les deux de la trentaine et sont déjà bien abimés.

Florian somnole beaucoup sous la tente plantée dans un coin discret au bord de la rivière. C’est Philippe, son pote de galère, que je rencontre le plus souvent. C’est Philippe qui fait les courses, qui va à la pharmacie, qui regarde les horaires de bus, qui le réveille pour aller à l’hôpital.

Florian est d’une maigreur affolante. Après plusieurs rencontres et pas mal de bavardages il finit par me dire qu’il est soigné depuis peu pour une méchante tuberculose antibio-résistante. C’est à cause de ça qu’ils restent tous les deux dans la ville. Il est rivé à l’hôpital où il doit se rendre régulièrement. C’est pas la toux qui le gênait, non, malgré les longues quintes qui le déchirent, c’est qu’il est devenu trop faible pour marcher longtemps, trop faible pour se tenir debout plus de quelques minutes, trop faible pour porter un cageot de pommes.

Il fait trois ou cinq au dessus de zéro durant la nuit et il dort sous la tente. Avec la tuberculose.

=> Photo : Saisonniers dans un champ au Canada.


Une petite chanson instrumentale. Daniil Shafran (violoncelle) interprète « Träumerei » (Rêverie) de Robert Schumann.

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Un citoyen ordinaire à la rencontre des personnes cabossées par la vie.