
Passé mon moment de colère après l’intervention du petit con hier soir, effacé le contrecoup d’abattement qui s’est ensuivi à l’annonce de ce énième confinement, comment expliquer l’impression de soulagement que je ressens ce matin ?
Mais pourquoi cette colère, cet abattement initial ? Atteinte à nos “libertés”, saccage de « l’avenir de nos enfants » ? Quelle liberté, quel avenir ? Faut-il être accro à ce train de vie prédateur pour s’offenser de sa destruction par celui-là même qui a fonction de le défendre ? Entendre l’abruti de l’Élysée annoncer lui-même les mesures qui allait conduire à une décroissance espérée aurait au contraire dû m’enthousiasmer.
Plus de voyages en avion pollueur, plus de kilomètres trépidants sur des autoroutes inondées de vapeurs nocives. Des boutiques fermées dont nous allons très vite apprendre à nous passer sans dommage. Je découvre d’ailleurs que 4 % seulement de la population effectue des voyages réguliers en avion. Quatre pour cent de riches qui n’auront même plus le droit de dépasser les 10 km les séparant des aéroports de toute façon desertés.
Ballade avec Bijou
— Arrié, Bijou, hooo !
Celui qui parle ainsi a dix ans de plus que moi. C’est mon grand-père. Bijou, le cheval, recule en maugréant entre les brancards du char à bancs. C’est ainsi que nous nous promenons tous les deux, mon grand-père et moi. En char à bancs, au rythme de Bijou. Au petit trot, mais pas trop. Et pas plus loin que Quinçay, le village distant de 7 kilomètres, par égard aux vieilles guiboles du vieux cheval.
Mon grand-père est mort il y a des années. Dans dix ans, j’aurais l’âge qu’il avait quand il nous a quittés. Me revoilà revenu en enfance, au temps des ballades avec Bijou, ravi du train peinard que nous allons être contraints de suivre. En prenant le temps de saluer les passants, en savourant chaque pas, chaque bouffée d’air. Si, si, vous allez voir, même les jeunes vont s’y faire. J’entends les clochettes tinter au collier du vieux cheval, le bruit de ses sabots ferrés sur la chaussée…
Finalement, le seul motif de colère, hier soir, était d’apprendre toutes ses bonnes nouvelles de la bouche même d’un con. Pour le reste, la cure de désintoxication continue de plus bel.