Le baiser de Judas du FMI aux banques de la zone euro

Certaines initiatives secourables peuvent se révéler à double tranchant. En proposant aux dirigeants de l’Union européenne de faire intervenir le Fonds européen de stabilité financière (FESF) pour aider les banques les plus fragiles, le FMI vient implicitement de confirmer cette fragilité que les banques privées niaient farouchement en stigmatisant les « rumeurs ».


Rappelons que le FESF fut initialement créé en mai 2010 pour aider les pays européens en difficultés. La Grèce pour commencer. La solidité des banques ravalée à celle du champ de ruine grec, voilà qui ne peut manquer d’interpeler.

Les « rumeurs malveillantes » officialisées

D’autant que le FMI, sous la cruelle baguette d’une dame Lagarde étonnamment repentie de son optimisme invétéré d’ex-ministre, n’y va pas par quatre chemins :

« On ne peut s’attaquer aux plus gros problèmes, la hausse des risques sur la dette publique, la faiblesse des banques, et les répercussions entre les deux, que par une réparation prompte et exhaustive des bilans. »

Et de donner le coup de grâce :

« Certaines banques européennes ont urgemment besoin de relever leur niveau de fonds propres. »

On ne saurait être plus clair. Si « rumeurs malveillantes » il y avait, les voilà maintenant officialisées par l’agence de notation FMI.

Une répercussion négative de 300 milliards d’euros

Pour justifier ce nouvel appel au secours public, le FMI fait état d’une répercussion négative d’« environ 200 milliards sur les banques de l’Union européenne depuis l’éclatement de la crise de la dette publique en 2010 ».

À quoi s’ajoute la bagatelle de 100 petits milliards pour le coût des risques liés aux banques de six pays considérés comme les plus fragilisés : Grèce, Irlande, Portugal, Espagne, Belgique, Italie (cette dernière particulièrement visée du fait de sa « taille systémique »).

Vachard, le FMI n’affiche d’ailleurs pas une confiance excessive dans les bilans présentés par les officines privées saisies en manque flagrant d’oxygène :

« Cette estimation ne mesure pas les besoins en fonds propres des banques, qui exigeraient une évaluation complète de leurs bilans et résultats. »

Au feu les pompiers !

En publiant ce dernier et semestriel « Rapport sur la stabilité financière dans le monde », le FMI vient de donner un retentissant baiser de Judas à ceux qu’il prétend aider. Il ne pouvait mieux attirer l’attention des requins de la spéculation prompts à fondre sur les proies affaiblies pour les saigner à blanc.

Pour tout arranger, la Banque centrale européenne (BCE) vient d’annoncer son intention d’« assouplir » ses conditions d’aide aux mêmes infortunées banques privées. Et Jean-Pierre Jouyet, président de l’Autorité des marchés financiers, de préconiser une recapitalisation pour « 15 à 20 » d’entre elles, faute de quoi on s’acheminait tout droit vers une « crise systémique planétaire ».

À défaut d’éteindre l’incendie, c’est reconnaître que celui-ci sent de plus en plus le roussi. En attisant les braises !

Interventions par ailleurs bien trop tardives et de plus en plus dérisoires quand on voit que nos pompiers FESF et BCE ne sont même pas fichus de venir à bout du modeste foyer grec. Allumé comme tous les autres par les pyromanes du crédit facile qui ont fini par s’y brûler les doigts.

La situation du système financier européen apparaît désormais comme singulièrement compromise. D’autant que la situation de leurs consœurs américaines n’a rien à leur envier. Il ne reste à ses tenants que leurs yeux pour pleurer leur splendeur conquérante passée, en essayant de reculer de douloureuses échéances par des plans com de plus en plus défensifs.

Ainsi de cet argumentaire interne un brin emprunté, remis par le Crédit agricole à ses « managers » pour tenter d’apaiser les inquiétudes grandissantes de ses clients et de son propre personnel. (Voir le document)

Document interne Crédit agricole
(Cliquer sur l’image pour lire le document en son entier)

A propos de Pierrick Tillet 3377 Articles
Un voyageur à domicile en quête d'une nouvelle civilisation.