La retraite par capitalisation : un leurre éventé

En ces temps de tourmente pour la bonne vieille retraite par répartition, il était assuré qu’on nous ressortirait les grands mérites de la retraite par capitalisation. Un simple examen de la réalité montre pourtant combien cette idée ne tient pas la route et ne peut profiter qu’à une infime minorité de la population.

__Comment un smicard pourra-t-il capitaliser pour sa retraite ?__ Examinons quelques données générales tirées des tiroirs de l’Insee : * le salaire médian français net (salaire tel que la moitié de la population des salariés gagne moins et l’autre moitié gagne plus) est de 1484 €/mois net ; * 70% des Français gagnent moins de 1 875 €/mois net. À l’heure du chômage endémique quarantenaire, des politiques d’austérité draconiennes, du désengagement de l’État en matière de remboursement de dépenses de santé, à l’heure où le SMIC devient de fait le salaire de référence dans le pays, il serait intéressant de savoir, selon les tenants du régime de retraite par capitalisation, sur quelle nouvelle ligne budgétaire les salariés de base vont bien pouvoir « capitaliser » leurs futures retraites. __Des pensions toujours inférieures en moyenne à celles de la retraite par répartition__ Examinons maintenant le fonctionnement de la retraite par capitalisation là où elle a été instituée de fait. En France, pour commencer. Commerçants, artisans, exploitants agricoles et autres non-salariés cotisent en effet à des caisses de retraite bien spécifiques, sortes de  »hedge funds » pépères à la française. Pour quels résultats, une fois venue la retraite « capitalisée » ? En 2004, la pension moyenne perçue par les ex non-salariés français était inférieure de 40 % à celles des salariés (source : [Conseil d’orientation des retraites|http://www.cor-retraites.fr/IMG/pdf/doc-1118.pdf]). Et souvent après un départ à la retraite bien plus tardif que celui des salariés. Un coup d’œil ensuite sur le « modèle américain ». Rappelons que la retraite américaine se compose ainsi : * une pension de base, l’équivalent de notre retraite par répartition mais à un niveau bien inférieur : environ un tiers du salaire moyen américain perçu par chaque salarié ; * une foultitude de régimes complémentaires plus ou moins obligatoires… et payants (dont les fameuses cotisations via  »hedge funds ») ; * l’activité professionnelle ; aux USA, chacun peut coupler sa retraite avec le maintien d’une activité professionnelle… et pour cause ! En 2000, 40% des salariés âgés américains ne percevaient presque exclusivement que la pension basique au rabais (source : [Conseil d’orientation des retraites|http://www.cor-retraites.fr/IMG/pdf/doc-310.pdf]) ; 20% seulement d’Américains privilégiés profitant vraiment à plein du fameux régime de retraite par capitalisation. La « retraite au mérite » sans doute ! __Un bluff de bonimenteur de foire__ Pourquoi alors, dans ces conditions, continuer à nous présenter cette fameuse retraite par capitalisation comme la recette miracle à tous nos maux de vieillissants increvables ? L’habituel bluff du bonimenteur de foire qui cherche à vous refourguer des parfums Dior « garantis véritables » à 10 euros. De la poudre aux yeux des crédules pour mieux faire passer l’effritement programmé du système de retraites par répartition. De même que le régime (sec) sarkozien bâtit son actuel réforme des retraites sur l’hypothèse fumeuse d’une société de plein-emploi retrouvé, de même, pour vendre leurs salades, les adeptes du système de retraites par capitalisation vous brandiront quelques hochets triomphants, mais marginaux et totalement sortis du contexte général ([le Préfon|http://www.rue89.com/tribune-vaticinateur/2010/05/26/retraites-le-prive-au-regime-du-public-cest-possible-152505] des fonctionnaires, par exemple). Dansez, gogos !

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