Pour le soldat @ploum, la première guerre civile mondiale a éclaté

Les soldats Manning, Assange, Snowden, Anonymous, Dricot (photomontage : le Yéti)
Les « soldats » Manning, Assange, Snowden, Anonymous, Dricot (alias @ploum)

Le dernier stade de la crise de la « Grande perdition » bat désormais son plein. Non, ne cherchez pas du côté de la crise financière, du déclin économique ou de la régression sociale qui va avec. De ce côté-là, c’est bouclé, terminé. Plus que les naïfs hallucinés pour croire au mirage de la « reprise ». Le dernier stade de la Grande crise, lui, est autrement plus dramatique : la guerre.

C’est toujours comme ça. Quand les dominants voient leur domination remise en cause, quand ils vont jusqu’à perdre la face, je veux dire quand l’échelle hiérarchique qui leur servait à tenir leurs ouailles en respect vole en éclat, alors, pour sauver ce qui leur reste de pouvoir, ils montrent leur vrai visage : la guerre.

Ne croyez pas que la solution sera démocratique. Ceux qui pensent inverser la tendance par les urnes ne sont tout bonnement pas encore guéris du mal de soumission au vieil ordre lénifiant établi. La démocratie est le leurre par lequel les dominants donnent à leurs sujets une illusion de liberté. Mais que le corps électoral ait une réaction de rejet à leur égard et les masques démocratiques tombent très très rapidement.

Croyez-vous que ceux-là (les dominants) vont se laisser spolier de leurs privilèges par de vulgaires bulletins de vote ? Voyez ce qui s’est passé dans le Chili d’Allende lorsqu’ils aidèrent éhontément un Pinochet à prendre le pouvoir par la force. Voyez leur comportement d’aujourd’hui face à l’Amérique latine des Chavez ou des Morales. Rappelez-vous ce qu’il advint du référendum français de 2005 sur le projet de Constitution européenne.

Le choix des armes

Il existe aujourd’hui deux sortes de guerre, qui diffèrent par le choix des armes, toutes les deux menées bien sûr au nom de la lutte contre le terrorisme (mais jamais évidemment pour assurer une hégémonie  géopolitique ou prendre le contrôle des ressources en voie de raréfaction de la planète).

1/ Il y a la guerre que les dominants mènent avec leurs bonnes vieilles armes classiques bien sanglantes, tanks, canons et autres joyeux drones. Mais même celles-là, ils ne parviennent plus à les gagner, faute d’ennemis clairement identifiés en face. Voyez le chaos en Irak et en Libye, voyez le retrait piteux d’Afghanistan, leur extrême confusion devant la tragédie syrienne. Et, attendez un peu, vous n’allez pas tarder à constater l’enlisement malien.

2/ L’autre guerre — ah, celle-là, une vraie saleté ! — ils ne la mènent pas avec leurs armes à eux, mais sont contraints d’utiliser celles, numériques, que se sont appropriées leurs adversaires. Le blogueur Lionel Dricot, dit @ploum, l’appelle << la première guerre civile mondiale >>. Beaucoup moins sanglante, mais tout autant dévastatrice.

Car, dépossédées de ce qui faisait leur puissance — l’économie à croissance triomphante, la finance et ses taux d’intérêt tentaculaires — les « grandes puissances » ne tiennent plus que par les apparences artificielles qu’elles s’efforcent pesamment de maintenir. Or, le Net aujourd’hui est devenu une arme de destruction massive par démythification de l’adversaire et injection de ridicule.

Le NSA sur les traces d’Hadopi

La génération numérique, dit Lionel Dricot, << a développé des valeurs qui lui sont propres mais également une intelligence analytique hors du commun. Les outils dont elle dispose lui permettent de pointer très vite les contradictions, de poser les questions pertinentes, de soulever le voile des apparences >>.

Que croyez-vous que les dominants d’en face fissent ? Ben, comme d’habitude, mettre tout le monde sur écoute en s’imaginant ainsi tout contrôler. Mais les affaires Manning, Assange ou autres Snowden, les coups de boutoirs répétés des Anonymous, montrent que les balourds du NSA ne maîtrisent pas plus l’arme numérique que cette benête d’Hadopi ne sut enrayer le téléchargement « illégal ».

Issus de l’ancienne génération, les dominants du futur ancien monde ne sont pas parvenus, et c’est flagrant, à s’approprier l’arme numérique. Lionel Dricot :

<< L’ancienne génération n’a pas adopté la culture numérique. Elle s’est contenté de manipuler aveuglement les outils sans les comprendre, en une parodie désespérée du culte du cargo. >>

Pris d’une véritable état de panique, fou furieux, le monde d’avant cogne à tout va et aveuglément… dans le vide ! Embastille (toujours trop tard) les rares « pirates » qu’elle peut attraper. Viole sans vergogne ses propres règles (en arraisonnant par exemple un chef d’État étranger au mépris de toutes les lois diplomatiques).

La guerre déjà perdue du monde d’avant

S’en prend même à sa propre presse, forcément contaminée, en l’obligeant à détruire ses disques de données… avant de s’apercevoir, comme ce fut le cas avec The Guardian, que ceux-ci ont fait des petits aux quatre coins d’une planète virtuelle qui échappe comme savonnette de leurs paluches pataudes.

Cette première guerre civile mondiale qui fait rage, nos pachydermes arthritiques du bonnet ne peuvent la gagner. Leurs drones sont impuissants contre un ennemi qui se multiplie comme lapins et prospère dans ses propres rangs. Pour pulvériser vos cibles avec vos armes nucléaires, mieux vaut que les cibles en question se trouvent à distance très respectable.

Mais s’il veut gagner, le soldat numérique, lui, sera bien inspiré de prendre conscience qu’il mène une vraie guerre d’un genre nouveau, non un simple monôme de potaches. Et se contenter de ses armes virtuelles et de ses réseaux. Sans s’exposer à celles du monde finissant. Harceler ce dernier à ses points faibles, pourrir sa finance, détourner son économie, révéler ses coups tordus.

Et surtout continuer à le couvrir de ridicule et à le tourner en bourrique. Quand les peuples rient de leurs maîtres, les maîtres ont du souci à se faire. Pas une dictature, pas un mur de Berlin qui ne résistent longtemps à l’hilarité générale, à l’indifférence ou au mépris des populations.

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Un voyageur à domicile en quête d'une nouvelle civilisation.