La précarité paysanne expliquée par le prix des pommes

On ne parle jamais assez de détresse paysanne en France. Enfin je veux dire la détresse des “petits” paysans traditionnels, ceux qui, délaissant les méthodes productivistes, essaient de se réorienter vers le naturel et le bio. Un ami m’a expliqué cette détresse, cette précarité, à travers un exemple tout simple : par le prix des pommes.

Le prix auquel les pommes sont achetées par les coopératives agro-alimentaires aux producteurs fluctue bien sûr selon le volume de pommes récoltées au fil des années. Mais les conditions de production varient aussi selon qu’on est en production dite AOP (appellation d’origine protégée) ou en méthode de production intensive, dite aussi productiviste.

  • Le producteur en AOP est soumis  à des contraintes draconiennes de production : plantations de pommiers hautes tiges (il faut grimper dedans pour cueillir les fruits), sans aucun traitement ni au sol ni dans les feuillages, avec un quota annuel de production fixe arrêté règlementairement une fois pour toutes [photo de gauche ci-dessus].
  • À l’inverse, les producteurs en mode productiviste peuvent planter des pommiers basses tiges [photo de droite ci-dessus], c’est-à-dire à hauteur d’homme et en ligne pour faciliter les traitements phytosanitaires et la récolte. Ces producteurs ont aussi des quotas, mais qu’ils peuvent moduler chaque année en fonction des conditions annuelles de production (floraison, gel, maladies…).

La précarité des paysans affecte forcément la qualité de ce que nous mangeons

Or, me dit cet ami, le prix des pommes produites en AOP est inférieur d’environ 30% à celui que touchent les producteurs productivistes : de 80 à 110 euros la tonne pour les premiers, de 110 à 140 euros la tonne pour les seconds. Étonnement, c’est à peu près la différence inverse que nous autres, consommateurs, constatons sur les étals de nos boutiques ou supermarchés.

Ben sûr, on aurait pu prendre bien d’autres cas de figure pour illustrer la précarité du petit monde paysan sous emprise des grandes organisations de l’agriculture productiviste : les prix et  les quotas laitiers, par exemple. Mais celui du prix des pommes suffit à montrer aux consommateurs profanes les difficultés dans lesquelles se débattent ceux qui essaient de les nourrir sainement. Car il faut une sacrée dose d’abnégation pour continuer à produire sain en étant payé moins !

La leçon de cette histoire est que la précarité dans laquelle sont artificiellement maintenus les petits paysans traditionnels par les grandes organisations agro-alimentaires affecte forcément la qualité de ce que nous mangeons.

=> Lire aussi : La détresse paysanne dans un monde agricole qui dégringole, sur Reporterre

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