La non-violence est une idéologie au service du capitalisme

À mesure que se tendent les rapports sociaux, revient rituellement la question de l’emploi – ou non – de la violence pour faire triompher une cause qu’on estime juste.

Ce 1er mai 2018 n’échappe pas à la règle, après l’intervention très musclée de personnages vêtus uniformément de noir venus prendre d’autorité la tête du cortège parisien. Je ne sais qui sont ces « black blocs » : vrais anarchistes désireux d’en découdre ? provocateurs tentant de semer zizanie et confusion pour justifier la répression ? Tout est possible, mais à ce niveau la réponse est sans importance.

L’important est de se rappeler qu’aucune avancée politique ou sociale ne fut jamais conquise sans emploi de la force. Rappelez-vous les grandes grèves musclées de 1936 ou de 1945. Rappelez-vous comment, ailleurs, un Mandela dut se résoudre à recourir à la lutte armée pour venir à bout de l’apartheid sud-africain. Qu’aurait obtenu le pacifiste Martin Luther King sans l’activisme des Black Panthers ?

Les militants de la France insoumise ferait bien de se rappeler de tout cela avant de céder aux réactions bisounours un peu convenues, comme la députée FI Caroline Fiat en ce 1er mai :

Les puissants n’ont peur que de la violence

Croient-ils vraiment, à la France insoumise, que le vieux système capitaliste va céder sans violence une once de son autorité malmenée, fusse sous la contrainte d’un vote démocratique ? Regardez ce qu’ils firent à Sivens, lors des manifestations anti-loi Travail, ce qu’ils viennent de faire à Notre-Dame-des Landes, ou même ce soir encore à Paris. Ce qu’ils firent dans le Chili d’Allende, ce qu’ils firent en Grèce après l’élection de Syriza, ce qu’ils sont encore en train de faire au Venezuela et dans tous les pays qui se dressent contre leur volonté…

La non-violence est une idéologie déployée par les puissants pour se garantir de l’emploi de la violence à leur encontre, un peu comme ce ton policé exigé dans les débats de plateaux-télé pour dissuader tout discours subversif. Cela ne suffit pas bien entendu à justifier l’emploi de la violence. Celle des « black blocs » est très douteuse (tout comme leur arrivée massive en tête de cortège, d’ailleurs). Mais comme je l’ai déjà écrit dans une tribune publiée en 2014, puis en 2017, la violence est aussi une arme citoyenne de légitime défense, une arme incontournable de conquête sociale et politique. La violence n’est pas justifiable, écrivait Camus, mais elle est parfois indispensable.

Ce dont convient aussi Xavier Mathieu, le leader syndical emblématique des Conti :

« J’ai été un pacifiste toute ma vie. J’ai été un non-violent toute ma vie. Mais malheureusement, je ne crois plus au pacifisme, je crois à la violence. En face les puissants n’ont peur que de ça, n’ont peur que de la violence. Il n’y a que ça qui leur fait peur. »

=> Photo : 1er mai 2018 à Paris

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