LA GUEULE DE BOIS (raison gardons)

((/public/gdb.jpg|gdb|L|gdb)) »« Cette fois, le monde dit merci à l’Amérique » », titre, euphorique, le média Rue89 au soir (ou plutôt au petit matin, à l’heure de chez nous) de la victoire d’Obama dans les élections présidentielles américaines. Je sais bien qu’en ce moment notre vieux monde hébété n’espère plus qu’en un « sauveur miraculeux », genre Jésus-Christ bis. Mais tout de même, faudrait voir à voir ! Et raison garder. Parce que la gueule bois qui nous attend passée l’euphorie de cette victoire certes historique — un  » »nigger » » à la tête des USA ! — risque sérieusement de nous faire mal aux cheveux.

Même plein de bonne volonté, ce qui reste largement à prouver, le « divin » Obama hérite d’un sacré bâton merdeux : un empire détestable en ruine, une économie en charpie, une politique extérieure meurtrière et haïssable. Bon d’accord, ça m’aurait fait caguer que ce soit l’autre vieux machin et sa dingue de dingue qui soient élus. Mais justement, Obama n’a battu pour l’instant qu’un vieux machin et une dingue de dingue. Ça n’est déjà pas si mal, vous me direz, dans une Amérique en pleine décadence confite. Mais ce n’est pas tout. Avant de remercier l’Amérique, on pourrait d’abord s’étonner qu’il lui ait fallu attendre autant de temps pour se désengluer de la pétaudière bushienne. (Remarquez, Reagan, ça n’était pas mal non plus !) Et puis, dans un univers aussi personnalisée (en apparence) que le monde politique américain, Obama n’est pas seul. Pour se faire élire, il lui a d’abord fallu lever des millions de dollars afin d’avoir une chance de battre campagne. Et ces millions de dollars ne sont pas tombés du ciel, mais des coffres (encore) bien garnis des puissances d’argent. Ceux-là mêmes qui nous ont jetés là où nous pataugeons aujourd’hui comme des âmes en peine. Car, c’est ainsi, pour pouvoir être élu président des États-Unis d’Amérique, il faut D’ABORD être adoubé par le monde du fric. La « démocratie » américaine est une notion largement privatisée, bien loin de l’idée de service public, car soumise à la dure loi du marché et aux impératifs de rentabilité pour les actionnaires. M’étonneraient que ceux-ci, les financiers d’Obama et de son équipe, ne réclament pas goulûment, et très rapidement, un retour sur investissement. Le flou du programme économique du nouveau président laisse sacrément craindre des lendemains qui déchantent. Car tandis qu’on sable le champagne de Californie dans les états-majors victorieux et chez les adulâtres du « miracle américain », les ouvriers de General Motors pleurent sur la courbe aux abîmes des ventes automobiles de leur employeur : – 45 % en octobre (Ford – 29,2%, Chrysler – 35%). Oui, attendons de voir comment va réagir notre nouvel ange noir devant les cohortes de chômeurs qui vont inévitablement lui gâcher l’horizon. Reste aussi la politique étrangère. Là encore, quelques récentes déclarations lapidaires du nouveau président sur certains points brûlants comme le conflit israélo-palestinien peuvent à juste titre semer le trouble, sinon le doute,  »« Jérusalem doit rester la capitale indivisible d’Israël » », a-t-il affirmé durant sa campagne, ce qui augure bien mal de la neutralité de son attitude dans la quête d’une paix que tout le monde réclame à cors et à cris dans la région, en continuant à se foutre joyeusement sur la gueule, Laissons à leur joie les fêtards du jour (ou de la fin de cette nuit) et les idolâtres du « miracle américain ». (Vous allez voir que les places boursières vont inaugurer l’évènement avec cette euphorie schizophrénique qui est le propre des agonisants en soins palliatifs.) Mais gare au réveil ! Compte-tenu de la situation mondiale catastrophique, il sera inéluctablement retentissant et très douloureux. Je suis loin d’être persuadé qu’Obama soit celui qui changera l’amère destinée du monde. D’ailleurs personne ne le lui demande. Le meilleur service qu’Obama puisse rendre au monde, serait de s’occuper de ses affaires étatsuniennes en laissant les autres libres de maîtriser les leurs, sans prétendre vouloir les diligenter à leur place. Mais laissons au nouvel élu une chance de faire ses preuves. Tiens, s’il commençait par signer les accords de Kyoto sur les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, par exemple… ———- Post-scriptum (5 nov. 15 h 55 ; @ jardin, zab, amarula, plus une amie d’un autre monde) Oui c’est vrai, je le confesse, la « pertinence » (sic) de mon analyse politique ci-dessus, écrite sans doute dans la fièvre (re-sic), tend à évacuer un peu trop rapidement certains aspects hautement positifs de l’élection de Barack Obama. C’est vrai, cette élection, à une large majorité qui plus est, dénote d’abord un changement fondamental dans les comportements de la population étatsunienne : l’élection d’un homme de couleur comme président des États-Unis d’Amérique, ce n’est pas rien ! D’autre part, dépassant largement la pesanteurs de ces préjugés, la population des électeurs montre également qu’elle a pris la mesure de la gravité de la situation actuelle. Enfin, nul ne dit encore que Barack Obama ne dépassera pas les obstacles que l’on voit se dresser devant lui, ne fera pas fi des lignes de conduite que d’aucuns prétendent lui dicter, que d’autres, comme je viens de le faire, supposent un peu légèrement, qu’il va les suivre. Dont acte. En cette période mouvementée où le besoin d’espoir, le plus petit soit-il, se fait cruellement sentir, je reconnais que mon titre ( »gueule de bois ») est peut-être un peu prématuré et facile. Sans doute aurais-je dû lui donner celui que j’ai indiqué dans un commentaire laissé sur ru89 ( »[RAISON GARDONS|http://www.rue89.com/campagnes-damerique/2008/11/05/barack-obama-elu-cette-fois-le-monde-dit-merci-a-lamerique?page=2#comment-535807] »)

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