
Notre ami du Grand jeu ne nous a pas (encore) livré son analyse sur les dernières péripéties de la guerre d’Ukraine (à cette exception près). Mais ses tweets pourvoient largement à nous éclairer pour peu que nous les synthétisions avec méthode. Voici donc une sorte de billet à quatre mains (et deux cerveaux) sur cet évènement si considérable qu’il pourrait bien avoir fait basculer les équilibres géopolitiques de la planète. (NB : les textes en bleu sont du Grand jeu.)
Objectifs russes en grande partie atteints
Le 29 mars, après deux mois de conflit armé à l’ancienne – c’est-à-dire avec des troupes au sol et pas seulement des bombardements aériens à l’aveugle, n’est-ce pas l’OTAN ? – les négociateurs russes et ukrainiens réunis à Istanbul (Turquie) sont parvenus à un accord. Au net avantage de la partie russe qui aura réussi à atteindre en grande partie ses objectifs de guerre.
Les pièces du puzzle s’emboîte :
1. Les Russes en terminent avec les néo-nazis d’Azov à Marioupol. Impossible de dire si la majorité du groupe y était, mais il y a aussi eu des bombardements ailleurs sur des casernes d’Azov. Objectif de dénazification partiellement rempli.
2. Douce coïncidence, c’est le moment où les pourparlers de paix sont les plus poussés. Les Russes disent se retirer des environs immédiats de Kiev pour permettre le bon déroulement des discussions, les Ukrainiens disent que les Russes ont reculé : chacun sauve la face.
3. L’exigence russe de neutralité de l’Ukraine est admise. Quant à la démilitarisation et la dénazification, elles ont de facto eu lieu sur le terrain, au moins partiellement. L’Ukraine, elle, pourra se vanter d’avoir combattu vaillamment et tenu tête à son voisin.
Le Grand jeu aurait également pu rajouter le contrôle sécurisé du Donbass par les Russes qui y disposent de surcroît d’un poste avancé pour une intervention rapide en cas de rupture par l’Ukraine de l’accord du 29 mars.

Derrière la paix militaire, la guerre économique contre l’Occident
Reste à gérer l’après-guerre :
4. Bref, à peu près toutes les conditions de la paix sont maintenant réunies. Question à un million : les Américains vont-ils faire dérailler le processus ?
Eh oui, c’est bien là l’enjeu. Parce que si la guerre militaire semble être au moins momentanément en pause (relative), la guerre économique, elle, se poursuit. Et le moins que l’on puisse dire est qu’elle est mal engagée pour l’Empire… et pour l’infortuné ministre Le Maire qui, il y a quelques temps, prétendait pouvoir provoquer l’effondrement de l’économie russe avec ses petites sanctions :
Énorme. Il [Poutine] ne coupe pas le gaz pour apparaître comme un fournisseur crédible, mais demande juste de payer en roubles.
-> le rouble remonte en flèche
-> les Européens sont dans une impasse complète (refus = catastrophe économique, accord = sanctions de facto en partie annulées)
Tic toc tic toc… La date limite du 31 mars pour le paiement du gaz russe en roubles s’approche et toujours pas d’accord. Moscou durcit même sa position.
Au fait, le 31 mars, c’est demain, n’est-ce pas ?