JULIEN COUPAT, LA BAFFE

((/public/procureur_Marin.jpg|procureur_Marin.jpg|L))La pire rebuffade que puissent essuyer les dominants de tout poils, c’est lorsque leurs proies, qu’ils croyaient à leur merci, se rebiffent et les éclaboussent de leur mépris. La [récente interview|http://www.lemonde.fr/societe/article/2009/05/25/julien-coupat-la-prolongation-de-ma-detention-est-une-petite-vengeance_1197456_3224.html] de Julien Coupat, publiée dans le Monde daté du 26 mai 2009, est un modèle de claque dans la figure. On savait bien qu’aucune charge sérieuse ne pesait véritablement contre lui. On se demandait juste s’il tiendrait, s’il saurait prendre son mal en patience. Vu sa périlleuse situation actuelle, on n’imaginait pas de lui qu’il leur vole dans les plumes à la première occasion. Et c’est ce que le bougre a fait ! Sans même attendre d’être libéré. Tête du procureur Marin (photo) !

__Une analyse impitoyable de la situation__ L’oligarchie aux manettes dérouille sacrément, à commencer par la ministre Alliot-Marie et ses sbires des ombres obscures : le criminologue Bauer, le directeur central du renseignement intérieur Squarcini, plus cette  »« bande de jeunes cagoulés et armés jusqu’aux dents » » qui  »« nous ont menacés, menottés, et emmenés non sans avoir préalablement tout fracassé » », et qui  »« continuent de sévir en toute impunité » » (c’est ainsi que Coupat décrit les policiers qui l’ont arrêté, ndlr). Mais Coupat sait bien qu’une institution ne se limite pas aux tenants momentanés du pouvoir. C’est un ensemble composite qui englobe indissociablement jusqu’à ceux qui s’en prétendent officiellement les opposants ou les contre-pouvoirs. Ceux-là, fossilisés dans leurs postures, en prennent aussi pour leur grade : la gauche  »« tétanisée » (…) », trop lâche, trop compromise » » ;  »« l’extrême gauche à-la-Besancenot » (qui)  »n’a pas de perspective plus désirable à offrir que la grisaille soviétique à peine retouchée sur Photoshop » » ;  »« les bureaucraties syndicales, plus vendues que jamais » (…)  »qui depuis deux ans dansent avec le gouvernement un ballet si obscène »… » Selon Julien Coupat, lorsqu’il se retrouve en déroute, ce microcosme transi n’a plus pour exister que de s’inventer l’ennemi qui polarisera autour de lui les ouailles effarées : le terrorisme. La désignation de « terroriste » ne peut être le fait que de celui qui a la souveraineté, partagée avec ceux qui rêvent de s’y associer. Le terroriste, réel ou imaginaire, est précisément celui qui  »« refuse d’avoir part à cette souveraineté » ». Ne reste à l’Autorité qu’à essayer d’isoler le manant :  »« individuer l’ennemi afin de le couper du peuple et de la raison commune, l’exposer sous les atours du monstre, le diffamer, l’humilier publiquement, inciter les plus vils à l’accabler de leurs crachats, les encourager à la haine. » » En un sens, Mme Alliot-Marie a parfaitement raison de considérer Julien Coupat comme un terroriste. C’est aussi ainsi qu’on qualifie l’intellectuel quand il ne se dissout pas dans le sirop médiatique courtisan, complaisant et onctueux à l’excès. On comprend le peu d’empressement de la presse officielle à rapporter la teneur de l’interview du Monde. Tout juste eut-on droit à quelques considérations secondaires :  »« Julien Coupat « lecteur » mais pas « auteur » de l »’Insurrection qui vient » » » (Libération.fr du 26 mai 2009). __La poudre et le détonateur__ Qu’est-ce qui distingue un Julien Coupat et ses amis de la masse des jeunes qui, comme eux, sont tenus en marge des arcanes d’une société civile délétère ? Julien Coupat et ses amis ont non seulement compris qu’ils n’obtiendraient rien de cette société en perdition, mais ils en ont intellectualisé les raisons et en ont tiré immédiatement la conclusion qu’il leur fallait absolument envisager d’autres oppositions (la rue,  »« seule force qui soit à même de faire pièce au gang sarkozyste » »), trouver des chemins parallèles (l’épicerie de Tarnac). Ils ont compris que la moindre compromission avec une quelconque de nos autorités officielles corrompues se retournerait inévitablement contre eux. D’où le ton offensif et sans concession de leurs interventions. La masse des jeunes, dont on aurait tort de considérer l’absence de réaction comme de l’indifférence ou de la passivité, sent bien elle aussi l’impasse dans laquelle elle se trouve. Mais faute d’en pouvoir comprendre et maitriser les raisons, elle se paralyse et se recroqueville, incapable d’exprimer son indignation et sa frustration autrement que par des éclats de colère sporadiques sans avenir. Un Julien Coupat pourrait-il être le détonateur de cette poudrière en puissance ? Le fait de presque appartenir à la même génération pourrait favoriser ce rapprochement explosif. Mais on mesure à la complexité des propos de Julien Coupat dans l’entretien publié par le Monde, le fossé qui sépare encore ces deux camps pourtant si proches. Comme beaucoup d’intellectuels, Julien Coupat n’imagine pas traduire la complexité de sa pensée, autrement que par la complexité de son langage. De fait, il tient à distance la masse des jeunes en plein désarroi. Que lui et ses amis viennent à simplifier leurs propos, mieux, à l’enrober d’un zeste d’humour, et toutes nos Alliot-Marie auront un max de soucis à se faire. C’est ce qui pourrait bien advenir, d’autant que nos princes aux abois, en mettant le groupe de Tarnac aussi stupidement sur le devant de la scène par leur acharnement maladif, font vraiment tout pour allumer eux-mêmes la mèche de la bombe sur laquelle ils sont assis. ///html

Dernière minute : Julien Coupat a été libéré le jeudi 28 mai. Ce n’est plus une baffe, c’est un uppercut !
Juste après cette libération, le procureur Marin a cru bon de déclarer que cela « ne saurait être interprétée comme le signe de l’absence ou l’insuffisance de charges ». (Rires)

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