Ukraine occupée : le feu sous la cendre de la guerre froide

Parler de retour à la « guerre froide » à propos de l’Ukraine est aujourd’hui un euphémisme. Car l’Ukraine, bien loin de son indépendance de façade, est aujourd’hui un pays bel et bien occupé. Par deux blocs antagonistes, éreintés par la (les) crise(s), aux intérêts de plus en plus opposés.

À l’est, les méchants Russes du vilain Poutine. À l’ouest, les gentils Occidentaux de l’Américain Obama et d’une Union européenne éprise bien entendu de liberté et de démocratie.

Poutine en Crimée comme Hollande en Afrique

À l’est, les forces du vilain Poutine :

  • ont fomenté très certainement d’autres coups de force, comme cette occupation de l’administration régionale de Donetsk dans l’est russophone ;

  • ont aussi initié très probablement la tenue précipitée d’un référendum d’indépendance de la Crimée pour couper l’herbe sous les pieds patauds du camp d’en face.

Des gentils très douteux

Mais en face, justement, chez les gentils ? Le nouveau gouvernement n’est-il pas issu d’un coup d’État dans lequel pataugent des membres très douteux du parti d’extrême-droite panukrainien Svoboda ?

N’y a-on pas violé sans scrupules une Constitution parfaitement démocratique :

  • en laissant un Parlement sous pression se passer de la Cour de constitution, au mépris de la procédure régulière de destitution, pour excommunier tout seul un président certes odieux, mais régulièrement élu ;

  • en laissant les mêmes douteux personnages exclure autoritairement le russe des deux langues officielles du pays, ce qui en dit long sur la volonté de rassemblement national du nouveau pouvoir ?

Et on attend que nos nouveaux gouvernants plébiscités par le « monde libre » veuillent bien ouvrir une enquête sur les graves accusations du ministre estonien des Affaires étrangères (qui a confirmé depuis leur authenticité), quant à la présence de snipers tirant indistinctement sur les deux camps opposés lors des émeutes les ayant amenés au pouvoir.

Obama et l’UE au secours de la Constitution ukrainienne

Si la Cour de constitution ukrainienne reste bien silencieuse, d’autres se chargent de pallier à son absence :

<< Cette décision [de référendum d’indépendance, ndlr] par le parlement de Crimée est contraire à la constitution ukrainienne et en conséquence illégale >> (Herman Van Rompuy, président du Conseil européen).

<< Un référendum en Crimée violerait le droit international >> (Barack Obama, président des États-Unis d’Amérique).

<< Si vous admettez le principe qu’une région, dans n’importe quel pays, en contradiction avec les règles constitutionnelles de ce pays, peut se rattacher à un autre pays, cela veut dire qu’il n’y a plus de paix internationale ni de frontières assurées >> (Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères françaises).

La solution ne peut être qu’ukrainienne

Comment dit-on « si c’est les autres qui le disent » en ukrainien (et en russe) ? On remarquera en passant que les mêmes « autres » ne sont pas gênés de vouloir faire signer illico un accord d’association avec l’UE au gouvernement intérimaire de Kiev, sans même attendre les élections.

S’il est une morale à cette histoire, elle n’est pas très ragoutante. Car oui, c’est clairement un conflit mondialisé qui couve désormais sous la cendre de cette nouvelle guerre froide entre deux blocs éclopés par une crise mortelle. Si jadis, les deux grands blocs avaient tout à perdre dans un conflit, c’est de moins en moins le cas aujourd’hui avec la lente dégradation de leurs affaires.

En tout cas, si solution il y a à cette grave crise, celle-ci passe par les Ukrainiens eux-mêmes. Pas via des instances internationales phagocytées par les blocs. C’est toute la différence entre les cinq propositions d’Hubert Védrine, qui mettent l’Ukraine sous médiation internationale, et les quatre conditions de Jacques Sapir, plutôt ukraino-ukrainiennes. On est de fait bien loin des deux.

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