« La Grande perdition » : Israël contaminé à son tour

Les métastases de la Grande perdition continuent sans désemparer de se répandre et de causer leurs irréparables ravages. Dernier « malade » contaminé, et d’importance : Israël.

Trois symptômes pathologiques viennent confirmer ce diagnostic, les deux premiers externes, le troisième interne :

– l’attaque de l’ambassade israélienne au Caire ;
– le divorce israélo-turc ;
– le mouvement des « indignés » en Israël ;

Deux retournements de tendance géopolitiques

L’attaque de l’ambassade israélienne par des centaines de manifestants civils égyptiens s’inscrit, même indirectement, dans le cadre de ces révolutions arabes où l’on voit les populations se retourner contre leurs dirigeants et certaines de leurs décisions géostratégiques historiques : en l’occurrence, l’accord de paix unilatéral signé en 1979 entre Sadate et Begin.

Au Caire, les manifestants ne se contentèrent pas de saccager l’ambassade israélienne et de contraindre l’ambassadeur à la fuite. Ils s’en prirent aussi violemment aux forces de l’ordre égyptiennes venues s’interposer.

Plus important encore, le divorce entre Israël et la Turquie paraît consommé. A l’exaspération des populations se greffe désormais l’irritation de certains dirigeants musulmans.

Il n’est pas innocent, ni exempt de conséquences, que le premier ministre d’un pays montant en puissance comme la Turquie, interrompe « totalement » ses accords commerciaux et militaires avec Israël, renvoie son ambassadeur avec armes et valises diplomatiques, et promette un soutien militaire naval à tout prochain convoi humanitaire vers Gaza.

Le ver de la crise à l’intérieur du fruit

Plus grave enfin, le ver de la crise s’attaque désormais à l’intérieur même du fruit. Le mouvement des « indignés » israéliens dure depuis le début du mois d’août et prend une ampleur inquiétante pour les autorités : plus de 400 000 manifestants le 3 septembre dans toutes les villes du pays.

Évènement parfaitement inédit et révélateur d’une rupture profonde dans l’indispensable cohésion populaire de ce pays, les protestataires allèrent jusqu’à l’affrontement physique avec les forces de l’ordre qui tentaient de démonter leurs campements de fortune (Tel-Aviv, 7 septembre).

Les raisons de ces montées d’adrénaline ? Les prix, le logement, la fiscalité, la détérioration des services publics. Bref, toujours et encore les conséquences de cette crise économico-financière qui n’en finit pas de miner le système.

La « Grande guerre pour la civilisation » a du plomb dans l’aile

On aurait tort de ne voir aucun lien entre les trois « contaminations » décrites ci-dessus. La crise mondiale ne se limite pas à une désintégration d’un système économico-financier, fut-il planétaire.

Plus encore elle est une crise civilisationnelle majeure aux ramifications culturelles, morales, politiques. Non pas ce commode « choc des civilisations » que voudraient y voir certains néo-croisés : la lutte du Bien (devinez qui ? ) contre le Mal. Mais au contraire la lente et inexorable désintégration d’un empire hégémonique en butte à sa folie.

Tête de pont artificiellement imposée au lendemain de la Seconde guerre mondiale par les vainqueurs occidentaux, Israël est à son tour infecté par le mal insidieux, victime qui plus est de sa suicidaire fuite en avant expansionniste. Attaqué de l’extérieur par des forces de plus en plus enhardies, le voici désormais miné de l’intérieur, avec un mentor américain lui-même très affaibli.

Avec l’enlisement afghan et le cul-de-sac irakien, le triple revers de fortune subi aujourd’hui par ce rouage essentiel de l’empire finissant met un peu plus de plomb dans l’aile à ce que le grand reporter anglais Robert Fisk appelait ironiquement « La Grande guerre pour la civilisation ».

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Un voyageur à domicile en quête d'une nouvelle civilisation.