Hong Kong : questions sur un soulèvement « pro-démocratie »

Nos médias officiels ont été prompts à partager la cause des émeutiers de Hong Kong qualifiés de « manifestants pro-démocratie » (AFP). Certains de nos amis ont très vite cédé à ces sirènes de la démocratie menacée. Mais qu’en est-il réellement ?

D’abord un petit point d’histoire. Située sur la côte sud de la Chine, Hong Kong a longtemps été une colonie sous protectorat britannique avant d’être rétrocédée à Pékin en 1997. Ville cosmopolite, Hong Kong reste avant tout une grande place financière mondiale, jalouse de ses prérogatives administratives et économiques très libérales, inspirées de son ancien protecteur britannique qu’elle tente de sauver à travers le principe : « un pays, deux systèmes. »

Le PIB par habitant est de 37.983 €, plus élevé, en terme de pouvoir d’achat, que le PIB français par habitant. Le revenu moyen mensuel est d’environ 1766 € avec d’énormes inégalités de répartition. On considère que l’on peut commencer à vivre décemment à Hong Kong avec un revenu de 1500 €/mois. À titre d’exemple, le premier salaire mensuel d’un étudiant diplômé est d’environ 1706 €. Noter que les revenus les plus précaires touchent surtout une population d’origine étrangère (Philippine, Indonésie…). Enfin, le fossé entre le revenu moyen hongkongais et celui de la Chine dite communiste (615 €/mois) est considérable.

Le système politique hongkongais est loin d’être un modèle démocratique. Ainsi seule la moitié (30) des membres du Parlement sont élus au suffrage universel, les 30 autres étant désignés par 28 groupes socio-professionnels dans lesquels seule une minorité a le droit de vote (source Wikipédia).

Toujours tourner sept fois notre langue (moraliste) dans notre bouche avant de nous emballer

Des questions se posent dès lors quant à la nature des manifestations hongkongaises d’aujourd’hui :

  • qui sont les manifestants ?
  • ont-ils des problèmes de fin de mois comme nombre de nos Gilets jaunes ?
  • de quelle démocratie se réclament-ils (s’ils s’en réclament) ? pourquoi les manifestations continuent-elles alors que le projet de loi d’extradition à l’origine de ce soulèvement a été retiré ?
  • est-ce une liberté fondamentale que ces manifestants défendent ou juste les privilèges d’une enclave financière semblable à ce que peuvent représenter le Luxembourg ou Monaco en Europe ?
  • d’où vient ce trésor d’ingéniosité déployé par les manifestants lors de leurs démonstrations ? Ingéniosité spontanée ou organisée (mais alors, par qui et dans quel but) ?
Drapeau US brandi par des manifestants à Hong Kong.
Manifestants hongkongais en compagnie de la représentante du consulat US.

Je reconnais bien des failles dans mes connaissances sur les particularités de Hong Kong pour livrer moi-même les réponses à mes questions. Pas question non plus de contester le droit des citoyens hongkongais à manifester comme ils l’entendent. Mais chat échaudé craint l’eau froide (rappelez-vous notre déconvenue Aung San Suu Ky en Birmanie, ou l’action de la diplomatie US en Ukraine place Maidan). Je pense que mes amis feraient bien de faire preuve d’un peu plus de circonspection avant de céder aussi facilement aux sirènes d’une propagande médiatique bien commode pour détourner l’attention de nos propres crises à nous. Toujours tourner sept fois notre langue (moraliste) dans notre bouche avant de nous emballer.

J’ajoute que j’ai un peu de mal avec cette propension que nous avons, nous Occidentaux, à donner des leçons de démocratie à tout le monde (surtout quand on voit l’état de la nôtre !) et à voler au secours de minorités qui étaient il y a peu, comme à Hong Kong, les sujets de nos propres colonies. Quel que soit le bienfondé de leurs luttes, les manifestants de Hong Kong peuvent très bien se débrouiller sans nous. Contentons-nous de balayer devant notre porte. Il y a à faire !

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