HERCULE POIROTE ET LE RIRE QUI TUE

((/public/hercule_poirote.jpg|hercule_poirote.jpg|L))Heureusement, parfois, dans ce monde en bouillie, il y a quelques motifs de franche rigolade. En témoigne cette hilarante affaire de « l’ultra gauche » débusquée dans sa planque de Tarnac (Corrèze) après, nous dit-on, avoir été pistée  »<< plusieurs mois >> » par les pandores de la ministre Alliot-Marie. Ce qui ne les a pas empêchés, nous dit-on encore, de semer un boxon incroyable dans la circulation de nos valeureux TGV au nez et à la barbe de nos limiers déconfits. Imaginez le délire si c’était Ben Laden et ses sbires qui avaient mis leur nez dans les infortunées caténaires !

Comme à leur habitude, les agrumes médiatiques foncèrent joyeusement dans le panneau toutes sirènes déontologiques hurlantes.  »<< L'ultra-gauche déraille ! >> » titra sans honte le quotidien Libération en pleine page de une le mercredi 12 novembre, au lendemain de la « prouesse » policière. Or qu’apprit-on au fil des révélations. Que les dangereux comploteurs était des petits jeunes issus de bonnes familles, peut-être un petit peu allumés côté ciboulot, Mais qu’ils menaient une petite vie somme toute peinarde. En marge des schémas bourgeois officiels, mais parfaitement intégrés à la France d’en bas et des petists villages. Nos dangereux désespérados tenaient figurez-vous, le magasin général d’alimentation du bourg corrézien où ils étaient « retranchés ». Qu’ils étaient si « machiavéliques » qu’ils avaient réussi à [embobiner|http://www.lamontagne.fr/editions_locales/tulle/exclusif_nous_avions_rencontre_les_epiciers_de_tarnac_@CARGNjFdJSsEEh8NBho-.html] les indigènes locaux du coin, lesquels ne tarissent pas d’éloge sur leur amabilité et leur serviabilité, et tombèrent des nues, perplexes, lorsqu’on leur annonça la piquante nouvelle. Mais que, attention, même le FBI américain était à leurs trousses… Je ne sais si nos comploteurs ont été à l’origine des déboires de notre pauvre SNCF. Mais pour l’heure, beaucoup de monde, à commencer par les enquêteurs eux-mêmes, en doutent sérieusement. En souvenir des Irlandais de Vincennes$$En 1982, en mal de coupables après un attentat dans le vieux quartier juif de Paris, les hommes de la toute nouvelle cellule antiterroriste, sous le commandement du capitaine Barril, interpellent dans un appartement de Vincennes les prétendus auteurs de cet attentat, des Irlandais qualifiés de nationalistes, et pour prouver leur culpabilité, « découvrent  » des armes… qu’ils avaient eux-mêmes apportés !$$, attendons prudemment confirmation de la réalité des pièces à conviction opportunément découvertes (gilets pare-balles, horaires de trains, barres de fer…). Et combien même seraient-ils coupables, cela n’en soulignerait que plus cruellement la nullité crasse des pisteurs qui se seraient fait semer comme des ballots. Dans les deux cas, ils sont les dindons de leur propre farce. ///html

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/// Passé ce moment de zygomatique détente, on en arrive à ce qui a véritablement motivé l’écriture de ce billet : la paranoïa générale. Passe encore que la bande des tocards y ait succombé corps et biens. Et que je te balance des caméras à tous les coins de rue ! Et que je te fiche jusqu’au creux du lit ! Et que j’essaie de t’embrouiller le web, de te chiper tes conversations téléphoniques, de te mettre en cartes d’identité biométriques, et que je te fouille les chaussettes dans les aéroports… J’ai souvent dit sur ce blog que le véritable problème n’était pas d’être surveillé, mais qu’il y ait des surveillants en nombre suffisant, et surtout pas trop bêtes, pour exploiter les données de surveillance. Eh bien, l’affaire de Tarnac montre une fois de plus que nos argousins sont encore plus couillons qu’imaginés. Et leur ministre, une imbécile qui nous prend pour aussi couillons que ses argousins. Pourquoi mêler notre paranoïa à la leur ? J’en sais ici qui arguerons de leur dangerosité, de leur extrême nocivité. Je ne l’ignore pas. Loin de moi l’idée de prendre à la légère leurs sales besognes. Mais je trouve qu’en sur-réagissant trop souvent à leurs malfaisances par une indignation outragée un peu trop solennisante, nous faisons preuve de grande naïveté et nous prêtons à leur jeu en laissant entrevoir nos peurs ou nos angoisses. Parce que c’est de la peur et de l’angoisse qu’ils tirent leur puissance — la fameuse « peur du gendarme ». Avoir des inquiétudes est une chose normale, et souvent amplement justifiée. Mais afficher trop ouvertement cette peur ou cette angoisse, serait-ce au prix d’une indignation, d’une saine colère, c’est admettre implicitement un état de faiblesse, une soumission. Personnellement je me fiche de leurs manigances barbouzardes. On n’y peut rien. Cette propension à l’espionnage sournois date de la nuit des temps. Dans les villages de jadis, déjà, l’œil du voisin, la rumeur… Robert Fisk, reporter au Moyen-Orient pour le journal anglais  »The Independent », notait dans un autre registre :  »<< "Une fois qu’un peuple n’est plus terrorisé on ne peut lui réinjecter la peur. >> » Voilà pourquoi, à l’indignation ou à la colère, qui remettent en selle l’adversaire en lui donnant l’occasion de répondre, je préfère le bras d’honneur. Et le rire qui tue. Imaginez un quelconque de nos scélérats en chef accueilli en public, non par des sifflets, non par des pancartes de protestation, mais par une salve immense et tonitruante de rigolade, une formidable ola d’hilarité dans les gradins du cirque où ils pensaient triompher. Oui, il est grand temps de nous décomplexer et de prendre le recul de l’humour pour qualifier ce ramassis de voyous de ce qu’ils sont vraiment : des cons grotesques, atteints graves et incapables. Risibles. Le rire qui tue est bien plus communicatif que la colère. Telle est la petite leçon que l’on devrait tirer de cette désopilante affaire dite « de Tarnac ».

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Un voyageur à domicile en quête d'une nouvelle civilisation.