Grèves : des directions syndicales bousculées par leur base

Vous pouvez mesurer l’ampleur et l’intensification d’un mouvement social au moment où la base commence à déborder les directives des centrales syndicales. Derniers exemples en date : la CFDT et l’UNSA.

Depuis l’entrée en lice des salariés sur la question des retraites, on sentait la direction de la CFDT plus que réservée sur les appels à manifestations nationales. Pour la première, celle du 5 décembre, Laurent Berger ne s’était rallié au mouvement commun qu’au tout dernier moment, sans doute plus par peur d’être désavoué par la base de sa confédération que par conviction. Las, l’offense suprême de la base en colère allait être répétée ce jour-même :

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Camouflet suivant via l’UNSA, autre syndicat qualifié de “centriste”, c’est-à-dire mou du genou. À l’issue des entretiens du jeudi 19 décembre entre le premier ministre Philippe et les différentes organisations syndicales, la direction de l’Unsa avait cru déceler quelques « progrès », suffisamment en tout cas pour commencer à hasarder l’idée d’une trêve « pour les vacances scolaires ».

« Sur les transactions sectorielles, on a eu la confirmation d’une garantie offerte sur le contrat social et moral du secteur des transports publics » (Laurent Escure, secrétaire général de l’Unsa).

Patatras, dès le lendemain, les cheminots de l’Unsa ferroviaire annonçaient qu’ils ne suivraient pas les directives de leur fédération et poursuivraient leur grève [photo de tweet en en-tête].

Les directions syndicales font toujours tout pour noyer la colère de leur base… jusqu’au moment où les limites du supportable sont dépassées !

Ne jamais se fier aux directives des directions syndicales est une chose que j’ai apprise tout au long de ma vie professionnelle. En trente d’engagement syndical personnel, je me suis vite rendu compte que les directions des différentes organisations étaient plus préoccupées de sauver leurs structures que les acquis de leurs adhérents.

L’attitude frileuse des directions syndicales ne date pas d’aujourd’hui. Mais un pas déterminant fut franchi à mon sens lors de l’élection de Nicole Notat au secrétariat général de la CFDT en 1992. Le “modernisme” revendiqué par cette dernière s’apparentait alors furieusement à un collaborationnisme éhonté  qui ne disait pas son nom. Et de fait, dès les années 90, on vit les centrales syndicales cesser de vouloir conquérir de nouveaux acquis sociaux, pour ne plus se préoccuper que de négocier le recul des acquis existants dans les limites du supportable.

Seulement voilà, les limites du supportable ont été largement pulvérisées et les centrales syndicales voient leurs bases ruer sérieusement dans leurs brancards. Quand les « garanties » patronales restent par trop dérisoires, la technique de déminage des centrales syndicales est systématiquement la même : noyer le poisson et étouffer la colère populaire, en dispersant les appels à manifester : oh, que ce 9 janvier 2020, dernière date annoncée par la CGT, paraît loin, quand un petit coup d’éclat aurait été si bienvenu entre les fêtes, le samedi 28 décembre, par exemple, jour de l’acte 59 des Gilets jaunes.

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