Gilets jaunes : l’indispensable et redoutable stratégie de la guérilla sociale

On l’avait déjà vu, notamment lors de l’acte 32 du 22 juin : les opérations coups de poing localisées et menées par surprise sont beaucoup plus redoutables que les grandes manifestations de masse officiellement déclarées, pains bénis pour être réprimées par un appareil d’État contesté.

La vulnérabilité des manifestations de masse est particulièrement apparue lors de l’acte anniversaire 53 des Gilets jaunes : l’annonce préalable d’une action collective place d’Italie à Paris a largement permis au régime de mobiliser ses forces de l’ordre, de faire mine d’accepter la demande des manifestants pour mieux l’interdire au dernier moment, la nasser et la réprimer au lieu convenu.

À l’inverse, les opérations coups de poings menées contre les péages le 22 juin ou les blocages localisés multiples opérés hier à l’occasion du Black Friday – pardon Block Friday [photo] – ont été d’une redoutable efficacité, laissant les autorités désemparées, contraintes de n’agir qu’après coup avec des effectifs disséminés.

Pas de grande grève illimitée possible à partir du 5 décembre sans le soutien d’actions de guérilla sociale localisées

Le problème est que ces opérations coups de poing restent trop ponctuelles pour être qualifiées de guérilla. La guérilla est une suite d’opérations coup de poing menées à un rythme suffisamment soutenu pour contraindre l’ennemi à mettre un genou à terre. La stratégie de la guérilla est particulièrement opportune quand l’ennemi d’en face est aussi lourdingue qu’un appareil d’État.

On attend beaucoup de la grande grève illimitée annoncée à partir du 5 décembre. Loin de moi l’idée de critiquer cette forme d’action. Tous les coups sont à prendre en considération lors d’une révolution. Mais une grande grève illimitée ne peut être menée que par ceux qui ont un emploi suffisamment sécurisée (de moins en moins nombreux), sous la menace permanente de l’usure des grévistes privés de revenus et de l’entrave conjointe du pouvoir et des directions syndicales.

Cette grande grève du 5 décembre (et jours suivants, souhaitons-le) verra vite ses limites si elle n’est pas soutenue activement par des actions nombreuses de guérilla sociale menées aux quatre coins du territoire contre des cibles stratégiques pertinemment choisies.

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