Deauville camp retranché : un « G8 circus » par chez moi

"Camp retranché" dans la campagne deauvillaise

Plus de yaourt dans le frigo. Je file au supermarché du coin. Stupeur : dans les travées, une bonne moitié des clients est en treillis de combat et rangers. C’est le G8 de Deauville (26 et 27 mai) qui se prépare, à une petite quinzaine de kilomètres de là.

Dans la campagne, même étonnement. D’étranges « gens du voyage » ont envahi les champs et dressé de grandes tentes, avec de grandes antennes. Leur campement : kaki.

Paranoïa-parade sur toute la région

À tous les coins de rue, des camions, des hommes en uniforme, le regard vide, la paupière lasse, la posture exagérément nonchalante. Et même quelques motos tout-terrain avec leurs robocops casqués et lunettés, façon scarabées.

Dans les airs, des hélicoptères qui passent en rase-motte ou qui font du sur-place comme le faucon crécerelle guettant d’hypothétiques mulots.

Et puis cet afflux de « touristes » d’un genre spécial, sans la moindre insouciance touristique. Des flics en civil, insinuent les mauvaises langues. Partout dans la ville, sur les célèbres « planches », face à la mer innocente.

Parfois un groupe de CRS s’en prend à un buisson, le fouille, l’ausculte, le palpe. Lapin piégé ?

En clair, c’est paranoïa-parade sur toute la région. Sans compter l’autre rive du fleuve, au Havre, où ils sont aux cent coups à cause des manifestions de trublions annoncées.

17 000 gardes-chiourmes pour 8 maîtres du monde en goguette

On dit qu’ils sont un contingent de 17 000. Voilà quinze jours qu’ils ont commencé à s’installer. Et le G8 est encore dans une semaine !

On notera à leur actif qu’ils font de gros efforts pour s’intégrer à la population indigène. Ont rendu une petite visite à une copine qui tient des chambres d’hôtes. Comme d’ailleurs à quasiment tous ses collègues. Et c’est peu dire qu’ils sont nombreux dans le coin.

« Ça marche les affaires ? Vous hébergez qui, en ce moment ? On peut jeter un œil à votre planning de location ? N’hésitez pas à nous prévenir si vous voyez venir quelqu’un de louche. »

La population le leur rend bien mal, remarquez. Faut dire, droit de circulation archi limité, sinon interdit. Pêcheurs consignés au port. Contrôles tatillons (comme ces deux pandores surpris ce matin à passer un lavomatique au peigne-fin). Impression démesurée d’oppression.

Bref, un état de siège qui fait salement ronchonner. Les commerçants surtout, qui envisagent carrément de baisser rideau pendant les agapes. D’ailleurs, ces importuns visiteurs importants n’ont-ils pas été jusqu’à remplacer le personnel de certains palaces locaux par leurs propres gens ?

C’est donc ça, nos maîtres du monde ? Leur autorité naturelle laisse drôlement à désirer pour devoir être protégée par une telle armada. Drôlement rassurés, les gars (pardon, Mme Merkel) ! D’aucuns murmurent que c’est à cause de Ben Laden. Plus dangereux mort que vivant, prétend-on.

Faut croire, parce que 17 000 gardes-chiourmes pour protéger 8 zozos en goguette et leur cour, ça fait chère la « déclaration commune » finale lénifiante.

Bon, c’est pas tout ça, retournons à nos affaires. Avec ce fou-rire qui m’a pris, j’allais oublier mes yaourts !

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Un voyageur à domicile en quête d'une nouvelle civilisation.