
L’intervention de François Ruffin lors de l’émission Quartier libre (Aude Lancelin, QG) est l’occasion de poser le problème crucial du prolongement politique à donner aux luttes sociales actuelles.
Les constats politiques établis par François Ruffin sont implacables et impeccables :
- Pas de progrès écologique (ou social) sans conscience et engagement politique. On construit ce progrès par des luttes et des lois. « Quand je rencontre des jeunes, je suis frappé par une très grande disjonction entre une conscience écologique très forte et une faible conscience politique. »
- La crise climatique offre la chance d’une « jonction de classes » entre les classes populaires (très pénalisées par la mondialisation) et les classes intermédiaires (bien moins victimes de cette mondialisation, mais tout autant frappées par la crise climatique).
- Aujourd’hui, l’histoire politique est redevenue mouvante. « C’est la fin de “la fin de l’histoire” [qui voulait le néolibéralisme soit gravé dans le marbre, ndlr]. L’adversaire de classe – l’oligarchie – est nettement posé.
- Le langage idéologique de la classe dominante (croissance, concurrence, mondialisation…), sur lequel reposait le système néolibéral, s’est effondré en un « langage cadavre » auquel plus personne ne croit.
La conclusion de ces divers constats de mort clinique du système réside, nous dit Ruffin, dans la nécessité de reprendre en main le gouvernail politique, de construire un nouveau bloc politique historique.
La question des alliances politiques en épine dans le pied du raisonnement de Ruffin… et de celui des Gilets jaunes
Mais comment et avec qui reprendre ce gouvernail politique en main ? Là réside le point faible du raisonnement de Ruffin qui évacue peut-être un peu vite à mon sens la question des appareils et des alliances : « Je n’en suis pas un professionnel… je n’ai pas l’intention d’être un auto-entrepreneur de la politique… mon souhait est de rassembler les énergies existantes… »
En bref, on sait ce qu’on veut, mais comment le pouvoir ? Comment éviter de se rassembler derrière un nouveau bloc de gauche, genre union de la gauche derrière Mitterrand en 1981… sans ce faire enfler par les représentants de ce bloc aussitôt après l’élection, comme en 1983 ? Ruffin propose une alliance Rouges-Verts. Mais quels Rouges, quels Verts ? Il y a si longtemps que ceux que l’on connaît, personnalités comme appareils, sont coulés dans le moule moribond, mais finalement assez confortable (pour tout élu) de la 5è République. On reprochera juste à François Ruffin de céder sans doute un peu trop vite au « les outils (syndicats, partis politiques) sont rouillés, mais je n’ai que ça ».
Cette faiblesse du raisonnement politique ne touche pas seulement Ruffin, et ne remet pas non plus en cause le reste de sa démarche personnelle. Elle touche aussi l’ensemble des citoyens concernés, l’ensemble des Gilets jaunes, qu’ils soient rassemblés en Assemblée des assemblées, en Citoyens Constituants ou juste sur des ronds-points et dans les centre villes lors des actes hebdomadaires. Cette question politique cruciale va devoir trouver des réponses très vite d’ici les prochains scrutins électoraux des municipales 2020 et de la présidentielle 2022.
=> Source : QG