
On se polarise beaucoup – et à juste titre – sur la grève des cheminots. Mais d’autres mouvements sont en train d’embraser le paysage social français.
Le mouvement entamé la semaine dernière chez Enedis (ex-ERDF) et GRDF mérite à lui seul de retenir l’attention : plus de 300 sites touchés et au moins 170 occupés ou bloqués par la FNME-CGT[note]Fédération nationale des mines et de l’énergie CGT[/note] [carte ci-dessous].

L’air de rien, il s’agit du plus grand conflit lancé depuis 10 ans. Il s’est déclenché autour de Marseille il y a six semaines et plutôt que de s’épuiser, se répand comme une traînée de poudre sur toute la France [photo : grève Enedis-GRF sur le site de Montceau (71)]. Sont même allés jusqu’à couper le gaz à l’Élysée pendant trois heures.
On notera qu’à côté des revendications salariales (augmentation de 400 euros, salaire minimum de 1800 euros) et sociales (pas de suppressions de postes, titularisation des précaires) est venue s’ajouter une demande de nationalisation de tout le secteur de l’énergie. C’est-à-dire un mouvement totalement opposé à celui que le gouvernement tente d’imposer aux services publics du pays. De l’attitude défensive, les syndicats du public passent donc à l’offensive. Et on ne s’en plaindra pas.
Une grève qui continue d’« embêter les usagers » (et les médias) n’est pas perdue
D’autant que le conflit SNCF n’est toujours pas pas terminé malgré les vœux enflammés de toute l’éditocratie médiatique : « La loi est votée, vous avez perdue, arrêtez d’embêter les usagers. »
On fera remarquer à cette coterie, bien moins assurée par la suite des évènements qu’elle voudrait le montrer, qu’une grève qui continue au point d’« embêter les usagers » (et la médiacratie) est loin d’être encore perdue. On rappellera qu’en 2006, le projet de loi CPE (Contrat première embauche) avait bien lui aussi été voté, mais qu’il avait néanmoins fini par être retiré sous la pression des protestations.
Lors du 17e round de grève, les 23 et 24 juin, la direction de la SNCF reconnaissait encore 20,67 % de grévistes et un pourcentage encore plus conséquent de trains bloqués. Le 18e round (tous les deux jours sur cinq) est d’ores et déjà annoncé pour les 27 et 28 juin. Probablement suivi par plusieurs « rounds d’été », en juillet et aout.
L’aide d’une petite récession nationale serait bienvenue
Bien d’autres conflits sporadiques éclatent aux quatre coins du pays, témoignant d’un malaise sociale grandissant, mais aussi d’une réaction de plus en plus offensive des salariés. Les lecteurs qui voudraient se mettre au courant de l’évolution de toutes ces luttes seraient bien avisés de suivre la Météo sociale de Julie Maury sur Le Média TV tous les vendredis dans le JT de 20 heures.
En attendant, la conjoncture pourrait bien aider les grévistes de tous les secteurs, notamment public. La fameuse reprise que l’oligarchie nous claironnait il y a quelques mois est déjà en train de boire le bouillon. Et un petit passage par la case récession – avec l’aide active des journées de grève accumulées – serait une bénéfique bouffée d’air pour les grévistes en ceci qu’il obligerait très probablement les autorités à mettre un peu d’eau dans leur vin aigre.
Un gadin en zone de « croissance négative », comme ils disent, et vous verriez que la bande du gringalet de l’Élysée perdrait immédiatement de sa superbe.