Robert Fisk : Obama sait-il qu’il se bat au côté d’Al-Qaïda ?

J’y vais ou j’y vais pas ? Comme si la valse-hésitation pantalonnesque des forces de l’Otan quant à une frappe « punitive » sur le régime syrien ne suffisait pas, voilà que Robert Fisk, envoyé spécial de The Independent, rajoute de l’huile sur les plaies. S’attaquer au régime syrien, affirme-t-il, c’est lutter au côté d’Al-Qaïda. « Tous pour un, un pour tous ! »

Tant qu’à faire d’avoir les « bottes au sol », ironise cruellement Robert Fisk, Al-Qaïda pourrait peut-être désigner à ses alliés américains quelques cibles à atteindre en territoire ennemi. Ça serait super sympa et diablement utile.

Foin du regrettable 11 septembre 2001. Oublié les attaques de drones en Afghanistan ou au Pakistan contre ces mêmes « alliés » de circonstance talibans en Syrie. En face se dresse le terrible Hezbollah et un régime assassin qu’il convient de « punir ». Haro donc sur le Hezbollah, les fieffés Syriens et sur les perfides Iraniens ! Haro sur le passé douloureux. Pour demain ? Bof, on avisera.

Je sens qu’il faut ici donner quelques explications au profane de passage. L’Occident — oui, celui d’Obama, de Cameron, de Hollande, et de nos autres « chefs de guerre miniatures » (Fisk) — a décrété que le nouvel ennemi était l’islamiste au couteau entre les dents.

<< La plus stupide guerre occidentale dans l’histoire du monde moderne >>

Seul problème, ces damnés islamistes se divisent en deux camps férocement irréductibles : les sunnites (Al-Qaïda, Arabie saoudite, Qatar) et les chiites (Hezbollah, Iran) qui eux font la guerre au côté de l’infâme Bachar el-Assad.

T’es contre l’un, t’es forcément pour l’autre. Et vice-versa. Le conflit sunnite-chiite est millénaire Mais nos soldats blancs occidentaux n’y comprennent que couic et sont une fois de plus en train de se prendre les pieds dans le tapis persan. Demandez-leur pour voir d’expliquer ce qu’est vraiment le « salafisme », mouvement sunnite à l’origine, mais mot par lequel ils désignent désormais tout mouvement islamiste fondamentaliste sans distinction.

Décidément, il faut que l’Occident soit vraiment à l’ouest pour ne pas voir le piège dans lequel il est en train de s’enferrer. L’observateur avisé sait bien que cette fuite en avant guerrière est sous-tendu par des considérations autres que benoîtement humanitaires. Qu’elle relève aussi de l’ordre de la suprématie géopolitique mondiale et de la volonté de mainmise sur les ressources planétaires (pourquoi diable se trouvent-elles en si grande quantité dans cette maudite zone ?).

Mais au final, avant que « la plus stupide guerre occidentale dans l’histoire du monde moderne » (Fisk) ne commence, d’ailleurs bien tardivement et guère assurément, l’absurdité inconséquente avec laquelle sont menés ces préparatifs coups de menton pose question sur l’équilibre mental de ceux qui nous dirigent. Nos « petits généraux politiciens » (Fisk), déstabilisés par une crise systémique qui les dépasse, ont-ils encore toute leur tête à eux  ?

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