Une sacrée épine italienne dans le pied endolori de l’UE

L’arrivée au pouvoir d’une équipe franchement europhobe en Italie n’en finit pas d’inquiéter, et peut-être même de menacer, une forteresse européiste bien ébranlée.

J’avoue avoir traîné un peu les pieds avant de livrer une analyse sur cette épineuse question italienne. Trop d’incertitudes sur ce qu’allait faire – ou ne pas faire – la nouvelle coalition entre la Ligue et le Mouvement 5 étoiles (M5S).

D’abord, avouons que les positions politiques de ces deux formations – de la droite dure de la Ligue au gros flou idéologique du M5S – ne sont guère emballantes. S’il ne va être ici surtout question que de leur futurs rapports (ou non rapports) avec l’UE, on n’oubliera pas leur position commune très dure à l’égard des réfugiés, ni leur politique très à droite en matière fiscale, avec un taux unique d’imposition quel que soit le niveau de revenu.

On restera d’autant plus prudent qu’à peine arrivés au pouvoir, les coalisés semblent avoir déjà opéré quelques reculs significatifs sur certaines mesures de leur programme commun : mise en œuvre du revenu universel repoussé à 2019, réforme du régime des retraites passée sous silence dans le tout récent projet de 39 pages établi par les nouveaux promus.

Ces apparents reculs ou silences ne pourraient d’ailleurs être que purement stratégiques. Pour être formé et avant de pouvoir passer à l’action, le nouveau gouvernement doit passer sous les fourches caudines du président italien, le très europhile Sergio Mattarella, disposant de bien plus de capacités de nuire qu’un président fantoche de notre vieille 4e République.

Un cas d’école que la France insoumise ferait bien d’observer

Il n’en demeure pas moins que le péril demeure pour les obtus de Bruxelles, de Francfort, et disons même aussi de Berlin, puisqu’il y a belle lurette que l’on sait que c’est ici, bien plus qu’à l’Élysée, que sont décidées la politique et les exigences de L’UE, notamment en matière budgétaire.

Or le moins que l’on puisse dire est que même après avoir mis beaucoup d’eau dans son vin, du moins dans son document de présentation, la nouvelle équipe italienne s’accroche à un budget totalement incompatible avec la rigueur austéritaire chère à la Commission junckérienne, garde la piste d’une monnaie spécifiquement italienne qui ferait la nique à l’euro, et manifeste des velléités de remise à plat de la dette italienne.

Se dirige-t-on vers un scénario à la grecque avec une piteuse reculade à la Syriza de la coalition italienne ou va-t-on vers un affrontement homérique entre les europhobes italiens et les défenseurs de l’Union européenne. En tout cas cette dernière est prévenue : l’arrivée de la colition « populiste » en Itale est un nouveau coup porté (par les électeurs européens) à sa construction impossible. Nulle doute que Bruxelles ne se laisse manger l’herbe sous le pied sans faire donner son artillerie lourde. Mais l’Italie, 3e puissance économique de l’UE, n’est pas la Grèce.

Et la France insoumise ferait bien de se pencher attentivement sur le cas d’école italien avant, une fois parvenue elle aussi au pouvoir, de se lancer dans son bien hypothétique plan A (faire jouer son rang de 2e puissance économique pour contraindre l’UE à revoir ses traités), plutôt que de passer directement à son plan B de rupture.

=> On lira avec intérêt sur ce sujet italien la chronique très documentée qu’en tient François Leclerc sur son blog Décodages.

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