
Dans une toute récente vidéo live, Éric Drouet, un des principaux animateurs vraiment sérieux du mouvement des Gilets jaunes (avec Ingrid Levavasseur, Priscillia Ludosky ou autres Maxime Nicolle), déclare :
« On est dans une semaine où c’est vraiment urgent de négocier pour eux parce qu’ils savent que samedi prochain [8 décembre, ndlr], c’est fini. Samedi prochain, c’est le dernier. S’ils arrivent encore à tenir un samedi, c’est déjà du miracle. Samedi prochain, c’est nous qui aurons la mainmise sur tout cela et c’est nous qui allons décider, je pense. »
Je ne sais si Éric Drouet et ses amis font preuve d’un optimisme excessif. Mais ce qui est sûr, c’est qu’en faisant ce mardi ses trois propositions loufoques de moratoires sur les taxes, le gouvernement Philippe montre, d’une part qu’il est profondément ébranlé et sur le reculoir, d’autre part que sa marge de manœuvre, sous contrôle de Bruxelles et de Francfort (BCE), est des plus ridiculement restreintes.
Le fait est que le mouvement des Gilets jaunes arrive à la croisée des chemins séparant le simple soulèvement populaire (réussi et véritablement populaire auprès de la population) et la concrétisation politique de ses revendications.
Désigner leurs représentants régionaux prêts à intervenir pour influer sur les décisions politiques à prendre
Lors de ces quinze premiers jours de soulèvement, les Gilets jaunes sont assez brillamment parvenus à éviter toute récupération politique de quelque bord que ce soit, politique ou syndicale, de droite comme de gauche. À écouter leurs différents animateurs (oublions très vite quelques « porte-paroles » fantaisistes autoproclamés, vite dénoncés) et les propos tenus sur les points de blocage, bien peu sont au fait de la chose politique (à l’exception peut-être de Maxime Nicolle, dit Fly Rider). Leur seule première certitude politique à l’heure actuelle : l’évidence du renvoi indispensable de Macron.
Or, le constat est qu’aucune des formations politiques existantes n’est en mesure de fournir aujourd’hui un relais politique solide à leurs revendications. Même pas, hélas, la France insoumise (ou plutôt le Parti de gauche qui contrôle désormais ce mouvement). Lors de ces quinze jours d’évènements historiques inédits, il est bien vite apparu par les réactions de ses dirigeants, que la France insoumise restait finalement assez hermétique à ce qui se passait – exception faite de son électron libre, François Ruffin, que les animateurs des Gilets jaunes gagneraient à rencontrer expressément.
Les Gilets jaunes vont donc probablement ne devoir compter que sur eux et s’organiser en conséquence pour pouvoir faire face aux bouleversements politiques probables à venir. Sans vouloir anticiper leurs décisions, je leur suggèrerais volontiers – en tant que simple Gilet jaune de base – de commencer par essayer de parer au plus pressé en désignant sur leurs différents points de blocage leurs futurs représentants régionaux*, une sorte d’Assemblée nationale fantôme (inspirée des cabinets fantômes britanniques) prête à intervenir pour influer sur la suite des évènements et des décisions politiques à prendre.
=> Photo : de gauche à droite, Éric Drouet, Maxime Nicolle, Priscillia Ludosky.
Note
* Je viens d’apprendre que Priscillia Ludosky s’opposait à l’élection de représentants régionaux de Gilets jaunes au prétexte que certains politiques s’y infiltreraient. C’est à mon avis une très grave erreur de jugement :
- ignorer la dimension politique que doit prendre un soulèvement populaire, c’est vouer celui-ci à connaître le sort désolant des printemps arabes de 2010-2011, avortés faute de relais politiques ;
- c’est peut-être aussi un petit abus de pouvoir de sa part : qu’en pensent les Gilets jaunes dans leurs régions ?