Effondrement : plutôt essayer de flotter en beauté que couler sans grâce

Il y a un moment où il va bien falloir trouver le moyen d’échapper au naufrage collectif qui frappe aujourd’hui notre pays et tout un peuple terrorisé, hébété, masqué. Justement, je viens de me faire offrir un petit bouquin de salubrité publique écrit par Corinne Morel Darleux : Plutôt couler en beauté que flotter sans grâce (éditions Libertalia).

Corinne Morel Darleux appuie sa réflexion sur l’aventure de Bernard Moitessier, ce navigateur qui, en 1968, alors qu’il participait à une course autour du monde en solitaire et qu’il était déjà annoncé vainqueur, renonça à franchir la ligne d’arrivée pour aller se réfugier au calme d’un atoll polynésien.

« Notre société déborde de trop-plein, obscène et obèse, sous le regard de ceux qui crèvent de faim. Elle est en train de s’effondrer sous son propre poids. Elle croule sous les tonnes de plaisirs manufacturés, les conteneurs chargés à ras bord, la lourde indifférence des foules télévisées et le béton des monuments aux morts. »

À l’instar du navigateur en solitaire qui finit par réellement choisir la solitude, Corinne Morel Darleux s’efforce d’indiquer plusieurs pistes pour effectuer cet indispensable « petit pas de côté » qui nous garantirait d’échapper au précipice. En femme politique – CMD est actuellement conseillère régionale d’Auvergne-Rhône-Alpes – l’auteure essaie de donner une traduction politique à ses réflexions, même si, dit-elle, les petites victoires individuelles (à la Moitessier) de tous les jours « sont pourtant le carburant des grandes épopées de demain ».

Des pistes de salut « archipélisées »

Plutôt couler en beauté que flotter sans grâce est paru en juin 2019. Un an après, après le soulèvement des Gilets jaunes, les opérations radicales de mouvements écologistes, les manifestations pour les retraites, les ravages du Covid-19, Corinne Morel Darleux a écrit une postface en forme de constat à son ouvrage :

« L’impensable d’une économie stoppée net, des aéroports et frontières fermées, l’ébauche d’un krach boursier, des émeutes de la faim et le pétrole qui s’échange à prix cassés. Un état d’urgence sanitaire qui ressemble à s’y méprendre à un arsenal de lois sécuritaires, la promesse d’une vie épiée par des drones, d’autorisations, de tampons et de cachets, de décret pour nous intimer de ne pas s’embrasser. »

Au ton employé dans cette postface, on croit sentir que Corinne Morel Darleux est ébranlée dans sa confiance en des solutions politiques collectives d’envergure. L’heure est au sauve-qui-peut. Les uniques pistes de salut sont localisées, « archipélisées », sinon individualisées. La tempête est à son pic. Sortir de cette chute folle vers les abimes est devenu une nécessité vitale, comme celle qui poussa le marin Bernard Moitessier à faire son petit cap de côté. Du coup. après la lecture de cette postface à l’urgence déclarée, une autre formulation du titre de Corinne Morel Darleux vient à l’esprit : essayons plutôt de flotter en beauté que couler sans grâce, hébétés et masqués.

=> Plutôt couler en beauté que flotter sans grâce, Corinne Morel Darleux, Libertalia, 10 €
=> Télécharger la postface

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Un voyageur à domicile en quête d'une nouvelle civilisation.