Effondrement et phobies : triste de voir ses amis sombrer

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C’est sans nul doute la chose la plus douloureuse d’un effondrement systémique : voir ses amis emportés à leur tour dans le tourbillon des tourmentes phobiques, sombrer et disparaître.

On distingue trois sortes de pathologies phobiques actuellement :

  • l’islamophobie
  • la covidophobie
  • la raoultophobie
1/ L’islamophobie comme pulsion morbide d’auto-défense d’une collectivité en pleine régression morale

L’islamophobie relève aujourd’hui d’une pulsion morbide d’auto-défense d’une collectivité en plein déclin. Ironie de l’histoire, c’est au moment où notre société est parvenue au summum d’une régression morale étriquée qu’elle invoque l’obscurantisme d’une minorité au nom de libertés individuelles qu’elle ne respecte plus, d’une démocratie dévoyée par la corruption, d’une émancipation féminine qu’elle n’est même pas en mesure d’instaurer elle-même, d’un athéisme érigé en dogme quasi évangélique (et de son corollaire : le quasi “devoir” de blasphémer).  C’est le réflexe “Je suis Charlie” qui saisit une collectivité bien blanche sur elle – y compris tant de nos amis – si bien décrit par Emmanuel Todd dans son livre Sociologie d’une crise religieuse (Qui est Charlie ?).

Comme le démontre encore Todd dans son autre ouvrage, La Guerre des classe en France au XXIème, ce ne sont pas les phénomènes migratoires et la composante maghrébine de la population française qui sont aujourd’hui à l’origine de la chute économique de notre pays, ni responsables de sa déliquescence politique et morale. L’islamophobie relève du réflexe classique par lequel une société hébétée attribue ses malheurs au premier bouc émissaire qui passe.

Certes l’islamisation des esprits est une réalité dans les quartiers dits sensibles. Mais comment expliquer à vos amis en pleine déroute mentale que ce “communautarisme” et ce “racialisme” qu’ils vouent aux gémonies vient d’abord d’une ghettoïsation des classes considérées comme inférieures, parquées par les autorités de l’État dès les années 60 dans des banlieues sinistres au-delà des périphériques urbains, avec la bénédiction tacite des majorités silencieuses ? Or, c’est souvent par une exacerbation des croyances religieuses que ces minorités opprimées se révoltent contre leurs oppresseurs. Rappelez-vous le rôle des Black Muslims lors du combat d’émancipation des Noirs afro-américains dans les années 60/70. Mais si guerre des banlieues il y a, elle est d’abord économique et sociale.

2/ La covidophobie comme perte brutale de ses défenses immunitaires psychologiques

La peur du Covid, qui pousse les masses terrifiées à obéir aux injonctions d’autorités qui le sont tout autant, et à errer masquées comme des âmes en peine dans des villes tristes à mourir, relève d’une peur irraisonnée déclenchée par le constat de l’effondrement d’un système qu’on croyait encore protecteur. Le virus est devenue atone. Le Covid-19 ne tue pratiquement plus, en tout cas beaucoup moins que d’autres maladies virales précédentes : le sida par exemple. Bien d’autres calamités non virales menacent dangereusement notre quotidien sans que nous y réagissions en conséquence : la pollution de nos villes, la dégradation de notre climat, notre mode de vie gangrenée par la corruption des élites… La covidophobie est la maladie d’une collectivité brutalement dépourvue de ses défenses immunitaires psychologiques. La covidophobie est similaire à la peur irrépressible des araignées, des souris ou du noir.

La raoultophobie comme soumission profondément ancrée à un ordre établi hagard

En apparence plus anecdotique, la raoultophobie est d’autant plus navrante qu’elle frappe aussi nos amis les plus proches. Le buzz contre le professeur Raoult et son protocole ne relève jamais d’une explication logique, établi sur des faits et des arguments sérieux, mais tient du procès d’intention spécieux, d’un réflexe de détestation épidermique contre une personnalité hors du commun et qui, c’est vrai, ne prend pas de gants avec les ignorants se la jouant spécialistes. La raoultophobie est un réflexe de troupeau affolé. Haro sur le mouton noir.

Ce qui est désolant, c’est de voir vos amis reprendre presque mot pour mot les éléments de langage distiller par Big Pharma, ergoter sur l’absence de preuves scientifiques, citer les article scientifiques dont ils s’avèrent en moins de deux qu’ils étaient bidonnés, pontifier en toute méconnaissance sur l’impérieuse nécessité d’études « randomisées » (dont ils n’avaient probablement jamais entendu parler auparavant). De ce fait est mis à jour le profond enracinement subconscient d’une population, amis compris hélas, à un inconscient collectif et à un ordre établi hagard que beaucoup d’entre eux prétendaient détester jusqu’alors.

Islamophobie, covidophobie, raoultophobie : se blinder contre les dégâts collatéraux de l’effondrement systémique, identifier ses ennemis mais se garder aussi de ses amis défaits, pour échapper au naufrage de la nef des fous [illustration ci-dessus : Jérôme Bosch].

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