DSK, Boubacar le sans-papiers et Julien Coupat sur un même bateau

DSK, Boubacar le sans papier et Julien Coupat

Il y avait ce soir-là cette émission d’Yves Calvi sur France 2, « Mots croisés ». Son thème : la chute de DSK. Son parterre d’invités : les amis de DSK.

Parmi eux, Harlem Désir du Parti socialiste, Jean-François Kahn, ami proche de la famille Sinclair/Strauss-Kahn, le biographe attitré de DSK dont on sentait l’empathie avec son modèle… Et puis bien sûr, l’inévitable « spécialiste » (des États-Unis).

La « famille » déchirée

Il y avait ces images terribles du héros égaré, défait, blafard, menotté dans le dos, emporté, balloté, affiché, humilié…

Il y avait cette discussion fébrile du parterre d’invités-amis. Partagés entre leur affection pour ce proche en perdition, leur sidération devant l’évènement qui frappait non seulement leur ami mais leur cercle tout entier.

Et leur incrédulité devant l’exposé de la charge. Leur désarroi. Leur émoi. Et leurs tentatives désespérées pour trouver des éléments à décharge : un horaire mal interprété, un témoignage connu d’eux seuls…

Et puis cette terrible découverte d’une réalité implacable : celle d’une justice américaine sans pitié. Où, foin de la présomption d’innocence, c’est la présomption de culpabilité qui est ouvertement portée à son point culminant.

J’avoue que j’ai un peu perdu le fil de ces échanges télévisés. Mon esprit vagabondait…

Deux poids, deux mesures ?

J’imaginais le même plateau, mais avec quelques têtes un peu plus colorées, tout aussi éplorées. Et bien sûr l’inévitable « spécialiste » (des migrations illégales). Tous de déplorer le triste sort réservé à l’un des leurs, Boubacar (appelons-le Boubacar).

Et puis ces images terribles de Boubacar le sans-papier, enfermé dans un centre de rétention sordide, séparé de ses enfants, avant sa reconduite manu militari dans un pays qu’il ne connaît pas et qui ne le reconnaît plus.

J’imaginais Yves Calvi recevant la famille et les proches de Julien Coupat, avec encore l’inévitable « spécialiste » (de l’épicerie en milieu corrézien).

Tous réunis dans la même déploration d’une présomption d’innocence bafouée, insistant sur la nécessité d’humaniser la justice et le traitement fait aux personnes inculpées ou incarcérées. Glosant sur l’état indigne du système pénitentiaire français mis à l’index par tous les tribunaux européens…

Ne pas céder à la tentation revancharde

L’écueil serait de céder ici à la tentation du règlement de compte revanchard, celui répondant au bon vieux principe de la loi du talion : bien fait pour ces puissants, vont comprendre ce qu’eux-mêmes font subir à ceux d’en bas, ressentir dans leur chair, à leur tour, les mêmes humiliations !

Non, à ce point de son aventure, et quoi qu’il ait fait, coupable ou innocent, DSK est aussi à plaindre que Boubacar et Julien Coupat. La justice suffit à juger les faits et les personnes. Point n’est besoin d’en rajouter en humiliant aussi la petite part de respect humain qui doit rester à chacun.

En réalité, Yves Calvi aurait pu traiter les trois cas en même temps dans une même émission. Les amis de DSK, de Boubacar le sans-papier et de Julien Coupat enfin réunis sur un même plateau. Et pour la même cause.

Coupables ou innocents, DSK ne mérite pas plus la curée dont il est désormais victime, que Boubacar et Coupat ne méritaient l’oubli, le mépris ou l’indifférence dans lesquels les tint le microcosme des dominants.

Aujourd’hui, la grande crise civilisationnelle que nous traversons finit par réunir, toute distinction de classe gommée, tous les protagonistes sociaux sur un même bateau. Qu’à toute chose, finalement, malheur puisse être bon.

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Un voyageur à domicile en quête d'une nouvelle civilisation.