De Mai 68 à Mai 18 : mémoire d’une jeune fille de la Sorbonne

S’il m’a été donné de lire quelque chose de dense, de vivant, d’irrésistible et de réellement enthousiasmant en ce cinquantenaire de Mai 68, c’est bien le livre de Gaëlle Kermen : Des pavés à la plage : Mai 68 vu par une jeune fille de la Sorbonne.

En mai 68, compagne d’un militant révolutionnaire, Gaëlle Kermen (Marie-Hélène Le Doze), 22 ans, s’est retrouvée propulsée à la trésorerie du Comité d’occupation de la Sorbonne. C’est donc de l’intérieur que nous allons assister – « participer » –, cinquante ans après, à la formidable ébullition de ce mois ébouriffant.

L’ouvrage de Gaëlle Kermen n’a rien de la thèse universitaire ou de la réflexion politique nostalgique. Il tient plutôt du journal de bord d’une jeune fille, bien peu politisée au moment des faits et qui ne semblait en rien prédestinée à devenir une  » activiste révolutionnaire » :

« J’avoue ne pas avoir compris grand-chose aux différences entre les groupuscules qui s’agitaient alors, tous dissous le 12 juin 1968. Je n’ai pas participé à leurs combats, mais, par un concours de circonstances, j’ai été un de leurs témoins directs. »

Une « activiste révolutionnaire » diablement sympathique

En réalité, comme beaucoup de ces contemporains d’alors, Gaëlle Kermen s’est laissée embarquer (au su de son plein gré !) dans l’incroyable effervescence libératoire de cette époque. Effervescence qu’elle nous fait partager avec un rare talent de conteuse dans un texte entrecoupé de notes prises au vif de l’action et d’extraits au jour le jour du quotidien Combat très engagé dans le mouvement. Bref, c’est comme si on « y était ».

On est loin , très loin des récits stéréotypés et caricaturaux que nous ont livrés les médias lors de ce cinquantenaire, avec la « collaboration » (le mot n’est pas trop fort) d’anciens pseudo-leaders virés très vieux cons. Le livre de Gaëlle Kermen ne s’arrête à la seule description de la période des « évènements ». Tous les dix ans, l’auteure a scrupuleusement fait le point sur l’évolution de l’esprit et des acteurs de Mai 68.

Mieux, elle prolonge sa réflexion par une longue mise en perspective avec la période actuelle sans dissimuler son envie urgente de voir éclore un Mai 18 et d’y participer, à 72 ans révolus, avec la même furieuse ferveur. Car non, et c’est la leçon de cette histoire, tous les acteurs de Mai 68 n’ont pas sombré et retourné leur veste comme de vulgaires Cohn-Bendit, Goupil, Geismar ou autres tristes Bruckner. Sacrifiant plans de carrière et sécurité bourgeoise, ils ont préféré satisfaire leur inextinguible appétit de liberté.

Finalement, la cerise sur le gâteau de ce livre foisonnant, vivant, excitant, c’est qu’en plus son auteure nous apparaît comme diablement sympathique.

Des pavés à la plage est disponible pour la modique somme de 3,99 euros sur Amazon en version électronique. Mais pas de panique, nul besoin de posséder une liseuse genre Kindle pour le lire ; une tablette, un smartphone ou un ordi suffisent ; il suffit de télécharger les logiciels gratuits ReadEra (Androïd) ou Calibre (Windows, Apple, Linux) ; pour ma part, j’ai dévoré ce bouquin en deux jours sur mon smartphone et en tout confort de lecture.

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