Crépuscule, par Juan Branco – 1. Celui que nous nous apprêtons à abattre symboliquement

Aujourd’hui commence sur le yetiblog, avec l’accord de l’auteur, la publication en feuilleton (un épisode par jour) du dernier ouvrage-enquête de Juan Branco, Crépuscule, sur les dessous bien puants d’un régime corrompu, la 5e République, et de son dernier triste avatar, Emmanuel Macron.

Pourquoi une publication en feuilleton (une trentaine d’épisodes quotidiens environ au total) ? Parce que la capacité lecture sur écran informatique, avec défilement de cet écran, n’est pas le même que pour la lecture sur papier : sur écran, un lecteur-lambda va rarement au-delà d’un texte de 6000 signes à la fois (soit environ trois ou quatre écrans de défilement).

NB : les impatients ou les accros à la lecture papier pourront télécharger l’intégralité de l’ouvrage (format pdf) en fin de chaque épisode et l’imprimer.

Maintenant, place au texte de Juan Branco…


Le pays entre en des convulsions diverses où la haine et la violence ont pris pied. Cette enquête sur les ressorts intimes du pouvoir macroniste, écrite en octobre 2018, vient donner raison à ces haines et violences que l’on s’est tant plus à déconsidérer.

Impubliable institutionnellement, elle l’est du fait des liens de corruption, de népotisme et d’endogamie que l’on s’apprête à exposer.

Tous les faits, pourtant, ont été enquêtés et vérifiés au détail près. Ils exposent un scandale démocratique majeur : la captation du pouvoir par une petite minorité, qui s’est ensuite assurée d’en redistribuer l’usufruit auprès des siens, en un détournement qui ex-plique l’explosion de violence à laquelle nous avons assisté.

Qui l’explique car le scandale dont il est sujet n’a pas été dit ni révélé, nourrissant à force de compromissions successives une violence qui ne pouvait qu’éclater. En un pays où 90% de la presse est entre les mains de quelques milliardaires, l’exposition de la vérité est affaire complexe, et la capacité à dire et se saisir du réel ne cesse, pour les dirigeants et les « élites » tout autant que pour le « peuple », de se dégrader.

Un Français sur deux – sondage yougov du 4 décembre 2018 – souhaite la démission de Macron. Il faut mesurer la force de ce chiffre : il ne s’agit pas de dire que le Président de la République déplairait à un Français sur deux. Mais qu’un Français sur deux, dont une immense majorité croit et adhère au système politique existant, à peine un an après une élection présidentielle, considère que son résultat devrait être invalidé par le départ de celui qui théoriquement devait les diriger pendant cinq ans.

Il n’est pas difficile d’en déduire qu’une très ample majorité l’approuverait, si cette chute ou destitution intervenait.

Comment l’expliquer, alors que formellement, cet être semble avoir respecté l’ensemble des conditions qui font qu’une élection puisse apparaître démocratique ?

Tout simplement, en montrant que cet être n’a respecté que formellement notre système démocratique, et l’a au contraire effondré. Et que l’illégitimité ressentie par une majorité de nos concitoyens correspond à une réalité.

Cela, nos journalistes et commentateurs, partis politiques, se refuseront toujours à le dire et à le croire, à l’enquêter. Cela est naturel, car, nous allons le montrer, ils ont été complices et principaux vecteurs du viol démocratique qui est intervenu, jeu d’apparences où l’on a présenté un être au peuple pour en masquer la réalité.

Les mots sont durs. Et pourtant, vous allez le découvrir : ils sont justifiés. Celui que nous nous apprêtons à abattre symboliquement a pris le pouvoir, littéralement, aux dépens des principes démocratiques et républicains auxquels nous adhérons, et par lesquels nous demandons son départ ou sa destitution.

Il n’y a nulle sédition dans l’appel au départ d’Emmanuel Macron, car c’est lui, et les intérêts qui l’ont formé, qui pour prendre le pouvoir se sont comportés en séditieux. Mesurons l’importance de ces mots, qui nous départissent d’un quelconque désaccord politique : c’est le sens même de notre confrontation à cet être, l’idée même que nous appartiendrions à un même ensemble, qui s’en trouve affectée.

Nous sommes en situation d’exceptionnalité.

*

Remarquez la chose suivante. Aucune parole institutionnelle, dans les médias, les partis politiques ou ailleurs, ne se fait la porteuse de ce désir de destitution, alors que, nous l’avons vu, il concerne a minima la moitié de la population. Aucun, à l’exception des gilets jaunes que l’on invite et traite avec folklore pour les décrédibiliser sur les plateaux télévisés, ne s’est saisi de cette revendication principielle. Or c’est bien le rôle du médiatique et du politique, en une société démocratique et libérale, représentative, que de porter la parole et les intentions de la population. Si la chose n’intervient pas, et si elle n’intervient pas avec une telle férocité, alors le principe de notre régime s’en voit affecté.

Cela, et cela seul justifierait la violence qui a explosé. Car comment ces êtres pourraient-ils se faire entendre, en un système où leur parole n’est pas seulement niée, mais tout simplement invisibilisée ? En ce paradoxe que personne ne souhaite traiter, la preuve d’une défaillance profonde, d’un échec qu’il s’agit de corriger[efn_note]La France Insoumise elle-même, toute à sa quête de renouvellement, ne recherche qu’une dissolution parlementaire, dont on se demande bien ce qu’elle nous apporterait. Le Rassemblement National, paniqué, appelle au « respect des institutions de la Ve république ». Les autres sont insignifiants.[/efn_note].

Tous semblent pris dans la nasse de ce qu’il conviendra d’appeler, et nous le justifierons, un système oligarchique. À savoir un espace public dominé par des individus dont la fortune dépend directe-ment ou indirectement de l’État, et qui l’ont investie pour prendre le contrôle des médias et ainsi s’assurer de la préservation de leurs intérêts au détriment du bien commun.

Un État que l’on retrouve aujourd’hui et sans hasards, en une période où le peuple réclame ses droits, non plus dévoué à ce bien commun, mais au maintien de l’ordre, c’est-à-dire de l’existant, et de ceux qui y ont placés les leurs. Y compris pour desservir les populations.

Ce qu’il s’agit pour nous maintenant de démontrer, c’est qu’Emmanuel Macron a été « placé » bien plus qu’il n’a été élu. Que la presse a agi en ce domaine avec complicité. Et que la colère et la volonté de destitution qui anime une majorité de nos concitoyens s’en trouve légitimée.

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