CRASH TESTS

La publication des résultats des tests de résistance ( »stress tests ») que la Réserve Fédérale américaine a fait subir aux principales banques du pays pour mesurer leur degré de résistance face à une nouvelle dégradation de la conjoncture, illustre à merveille le dilemme des autorités pour nous présenter les évènements en toute franche transparence. Entamer un peu plus une confiance déjà bien mal en point, c’est ruiner définitivement toute idée de reprise, c’est enterrer plus sûrement le système en souffrance. D’où cet optimisme contraint, ces présentations maquillées d’un soulagement artificiel.

Nous passerons sur les tergiversations qui ont précédé l’annonce, jeudi 7 mai, des résultats de ces  »stress tests ». Fuites alarmantes, reports d’annonce, négociations houleuses en coulisses pour que les banques mises en cause puissent présenter leurs réponses quasi simultanément… Bien sûr, sous peine de se discréditer totalement, il était impossible de nier certains constats fâcheux. Sur 19 établissements testés, 10 vont devoir se recapitaliser à hauteur de 74,6 milliards de dollars, dont 33,9 milliards pour la seule Bank of America, 13,7 pour Wells Fargo, 11,5 pour la société de crédit automobile GMAC, 5,5 pour Citigroup. Ouf, se sont exclamés d’une seule voix, selon une mécanique bien huilée, nos spécialistes de circonstances, c’est  »<< moins mauvais que prévu >> ». « Moins mauvais que prévu », on a les optimismes qu’on mérite ! Car enfin, si ces honorables établissements bancaires, qui viennent déjà d’engloutir des milliards de dollars d’aide publique, ont encore besoin de se recapitaliser, c’est tout bonnement qu’ils se sont révélés incapables de se redresser tout seuls, même avec le généreux coup de main de l’État. À l’image d’un vulgaire constructeur automobile comme Chrysler qui vient de se mettre sous le régime de protection des faillites, ou d’un General Motors qui ne va pas tarder à le faire. Mais ce n’est pas tout. Pendant qu’autorités et spécialistes se congratulent de satisfaction sur-jouée, examinons un autre point de rien du tout, un élément apparemment secondaire figurant en tout petits caractères au bas de la présentation (vous savez, comme au bas d’un contrat tordu) : si la situation économique réelle allait  »« aussi mal que dans le scénario du pire » » (Reuters), les banques américaines perdraient  »« sans doute » » la bagatelle de 600 milliards dans les deux ans à venir ! Or c’est là qu’intervient un petit détail capital, totalement occulté par nos honorables testeurs. Un méchant grain de sable qui vous remet illico les pieds dans le marigot de la tenace réalité : parmi [les critères|http://fr.reuters.com/article/frEuroRpt/idFRL563958620090505] pris en compte par la Réserve Fédérale pour son  »« scénario du pire » », certains sont déjà atteints et même en voie d’être dépassés dans les faits ! Ainsi, le taux de chômage de base considéré dans les  »stress tests » était de 8,4% à fin 2009, de 8,9 % dans l’hypothèse la plus « sombre ». Il a franchi le cap des 8,9 % aux États-Unis dès le mois de mai. Ceci n’a pas empêché M. Ben Bernanke, président éclairé de la Réserve Fédérale, de lever très haut le verre de la confiance préservée, en affirmant hardiment que les résultats de ces tests allaient  »« rassurer considérablement les investisseurs et l’opinion » ». Santé !

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Un voyageur à domicile en quête d'une nouvelle civilisation.