
Pour Jacques Sapir, la quête, à partir du 11 juin 2019, des 4,7 millions de signatures citoyennes pour la tenue d’un RIP sur la privatisation d’ADP est une formidable opportunité de relance du mouvement des Gilets jaunes.
Note du Yéti : la création de Comités locaux suggérée par Jacques Sapir dans son billet ressemble furieusement à celle de groupes locaux déjà mis en place par François Boulo sur le site La Ligne jaune. Qui se ressemble devrait s’assembler.
Les enjeux de la campagne pour le recueil des 4,7 millions de signatures pour le référendum contre la privatisation d’ADP.
C’est donc le 11 juin que commencera la campagne pour recueillir les signatures, plus de 4 millions sont nécessaires, afin qu’un référendum sur la privatisation d’ADP (Aéroports de Paris) puisse avoir lieu. C’est une date importante, et cette campagne sera un moment capital tant pour la construction d’une alternative à Emmanuel Macron que pour l’unité des souverainistes.
L’importance de cette campagne
L’importance politique de cette campagne est immense. Le thème même de cette campagne, le refus d’une nouvelle privatisation prévue dans une logique confortant les désastres infligés par le néolibéralisme à notre pays, en fait une campagne dont la portée symbolique est potentiellement immense. La question de la souveraineté nationale est ici directement posée. D’ailleurs, dans la procédure de référendum engagée (il s’agit ici du Référendum d’initiative partagée ou RIP), le vote initial de députés a bien mis aussi en évidence cette question de la souveraineté. La simple tenue de ce référendum, auquel s’opposent le Président, le Premier-ministre, le gouvernement, et une bonne partie de la caste médiatique, sera donc déjà, en soi, une défaite importante pour Emmanuel Macron et ses soutiens. Sans préjuger du résultat de ce référendum, on peut considérer que si une mobilisation importante est capable d’imposer la tenue d’un référendum sur un sujet aussi symbolique, cela ne pourra que contribuer à l’érosion du pouvoir d’Emmanuel Macron.
Une autre raison fait de cette campagne un moment politique important. Il est aujourd’hui possible de réunir, sur un objectif précis, l’alliance la plus large contre le pouvoir actuel. Enfin, il ne faut pas en douter, si cette campagne aboutit, si le nombre suffisant de signatures est réuni et si le référendum a bien lieu, il fera jurisprudence. N’oublions pas que, quand le RIP fut inscrit dans la Constitution, de nombreuses voix disaient qu’il serait impossible à mobiliser du fait des nombreux obstacles de procédures mis par le gouvernement dans son projet. Or, si cette campagne aboutit, nous aurons alors la preuve que non, le RIP est bien une procédure utilisable. L’importance de cela découle du mouvement des Gilets jaunes, qui aujourd’hui s’épuise. Ce mouvement portait, comme l’une de ses revendications, le RIC, une procédure référendaire plus maniable. On connaît l’opposition farouche du gouvernement et d’Emmanuel Macron à son égard. À travers le RIP, c’est bien le RIC qu’il nous faut promouvoir. Cette campagne de collecte des signatures doit donc aussi servir à cela.
Une opportunité de renaissance du mouvement des Gilets jaunes
On l’a dit, le mouvement des Gilets jaunes s’épuise. Les raisons sont multiples : violence de la répression, que ce soit celle directement à l’œuvre dans les manifestations avec son cortège de blessés et de mutilés, ou celle – plus insidieuse – qui vise les principaux acteurs de ce mouvement, mais aussi la très grande difficulté de trouver aujourd’hui des cibles qui soient réellement mobilisatrices. Il importe donc de trouver des solutions à cet épuisement.
Le référendum contre la privatisation d’ADP en fournit une excellente. Son thème rejoint les revendications exprimées par les Gilets jaunes. Le slogan qui pourrait alors être proposée à la campagne serait « Contre la Privatisation d’ADP, par le RIP, pour le RIC ». La forme que prendra cette campagne, des milliers de comités locaux, œuvrant à la base, collectant les signatures, faisant du porte à porte, peut être la forme nouvelle des « ronds points » où se manifesta le cœur du mouvement des Gilets jaunes. Avec cette campagne, il est donc possible d’offrir à ce mouvement, dont l’enracinement en France reste profond, un débouché politique concret, mais aussi la possibilité de porter haut et fort ses revendications et de renouer avec son côté massif et populaire.
L’instrument de cette campagne : les comités de base
La forme sous laquelle cette campagne s’organisera sera essentielle à son succès. L importe donc, dès aujourd’hui, de militer pour la constitution de COMITÉS DE BASE qui porteront cette campagne et qui la feront vivre au quotidien. Ces COMITÉS DE BASE doivent aussi se doter d’une structure verticale, élisant alors des représentants dans des COMITÉS DE DÉPARTEMENTS, puis à un COMITÉ NATIONAL. Cette forme de structuration est nécessaire pour la centralisation de la collecte des signatures. Mais, elle est aussi importante pour qu’au travers de cette campagne puisse se structurer un mouvement portant la revendication au référendum, exprimant le lien entre cette campagne et la revendication au RIC.
Il est dès lors de la plus haute importance que ces comités de base soient ouverts à tous ceux qui sont d’accord pour porter cette campagne, et ceci sans aucune exclusive politique. Il ne doit pas être question ici de demander l’appartenance politique, ou de se demander si tel ou tel militant a « bien » ou « mal » voté. Il s’agit de fédérer les efforts de tous.
Un certain nombre de mouvements ou de groupuscules « gauchistes » (dans le sens originel de ce terme) voudront probablement s’approprier ces comités, en exclure ceux qui n’auraient pas l’heur de leur plaire, prononcer des exclusives. Il faudra lutter sans faillir contre cette tendance qui mettrait à mal la campagne. Chez les souverainistes, aujourd’hui éclatés et dispersés, tous doivent comprendre l’importance stratégique centrale de ces comités, et œuvrer avec diligence et détermination à leur constitution et à la campagne elle-même. C’est dans cette campagne que se construira la possibilité d’une unité, que les souverainistes feront l’apprentissage de la coopération. Beaucoup sont ceux qui rêvent à un nouveau CNR. Mais, le CNR fut le fruit de la constitution, à la base, de mouvements de résistance. Il ne peut être qu’un résultat et non un préalable. La volonté de certains mouvements à vouloir incarner le « nouveau » CNR, à prétendre une quelconque antériorité en la matière, est donc grotesque quand elle ne traduit pas dans les faits une dangereuse dérive sectaire.
Tout doit donc être fait pour que cette campagne soit un succès. Rien ne doit être épargné pour infliger à Emmanuel Macron et aux oligarques qui le soutiennent une cinglante défaite. Qui ne comprendrait pas cela, avec ce que cette tâche impose, se ferait alors dans les faits l’allié de Macron et du système.