Chers candidats, je vois que déjà vous vous bousculez pour rallier à vous les électeurs en 2012, que le grand train de la campagne de la future présidentielle se met en branle. Mais ce qui lui manque encore, à votre train, ce sont les wagons de vos programmes, de vos propositions claires, argumentées, réfléchies et structurées.
En attendant que vous vous décidiez enfin à nous les mettre sur les rails, permettez au modeste citoyen que je suis de vous soumettre cinq conditions qui détermineront ma décision de me rendre ou non aux urnes le jour électoral venu.
1. La garantie d’un minimum vital décent pour chaque ménage
« Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires » – article 25 des Droits de l’homme et du citoyen de 1948
Dans la mesure où ces biens et ces services de première nécessité sont disponibles en quantité suffisante dans notre pays, il est intolérable que certains, de plus en plus nombreux, en soient privés au prétexte qu’ils sont aussi privés d’emplois, ou que les revenus de leur travail ne leur permettent plus d’assurer leur subsistance. En bref, qu’une dépravation systémique leur enlève les moyens de se procurer ce qui est bel et bien existant.
Garantir à chaque ménage un revenu vital décent de base est une façon d’appliquer ces droits de l’homme que nous sommes si prompts à exiger des autres.
2. La limitation de l’échelle des revenus de 1 à 30 maximum
« Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité » – article 1 des Droits de l’homme et du citoyen de 1948
Si les êtres humains naissent prétendument libres, égaux et fraternels (ce qui reste à démontrer ! ), il est inacceptable qu’ensuite certains valent plus de 300 fois les autres. Ce fossé s’est creusé depuis les années 80, lorsque nos dirigeants crurent bon de déréguler à tout va… au nom de l’égalité de tous devant la « concurrence libre et non faussée » !
En 1942, face à une crise similaire en ampleur et devant la tragédie qui ravageait le monde, le président américain Roosevelt appliqua une échelle des revenus dans des proportions similaires. Et aujourd’hui, nous ne le pourrions plus ?
Ne pas rétablir une échelle décente des revenus, ou accepter le fait accompli en se contentant d’en taxer vaguement les débordements, est totalement contraire à l’éthique de nos trois valeurs nationales de liberté, d’égalité et de fraternité.
3. Le gel de la dette publique
En 2010, pour créer un seul euro de richesse supplémentaire, l’État français a dû en emprunter presque cinq. Ce puits sans fond de l’endettement public nous conduit à l’abime. Au point désormais qu’il n’est même plus envisageable de le rembourser un jour.
Or cette dette publique résulte d’une imposture. Pour qu’il y ait un emprunteur (l’État), il faut qu’il y ait des prêteurs. Qui sont-ils ? Eh bien, en gros, ceux qui, de paquets fiscaux en dérégulations diverses, sont sortis par le très haut de l’échelle des revenus fixée ci-dessus.
L’endettement public faramineux d’aujourd’hui résulte du transfert de l’argent public dans des poches privées, pour croupir dans les paradis fiscaux ou se gaspiller dans les casinos financiers. Avant d’être retourné ensuite à l’État sous forme de prêts, moyennant intérêts juteux.
La seule solution pour mettre un terme à cette gabegie suicidaire, à cet éhonté détournement des fonds publics, à cette dépendance nationale vis-à-vis de puissances financières privées incontrôlées, est de geler immédiatement la dette publique et d’en renégocier les conditions d’apurement.
4. L’interdiction des spéculations sur les variations de prix
80 % des activités bancaires ne consistent plus, désormais, à alimenter l’activité économique productrice de biens et de services, mais en des jeux de casinos totalement stériles et pervers : les paris spéculatifs sur les variations de prix.
Ces jeux de sales gamins gâtés deviennent carrément meurtriers quand ils se portent sur les matières premières et les produits alimentaires de première nécessité. Ils sont à l’origine des émeutes de la faim de honteuse mémoire et constituent une atteinte criminelle caractérisée contre l’humanité toute entière.
Les interdire purement et simplement relève là encore d’une œuvre de salubrité publique et du respect des droits de l’homme les plus élémentaires.
5. La restauration du protectionnisme social
Dans son ouvrage « La Voie » (une bible pour vos programmes, Mesdames et Messieurs les candidats), Edgar Morin distingue la mondialisation positive de son insupportable perversion actuelle : la globalisation, c’est-à-dire la monopolisation entre les mains des plus forts de tout ce qui donne à ceux-là droit de vie, d’exclusion et même de mort sur le reste de l’humanité.
Les dérégulations auxquelles ils ont procédé avec la complicité bienveillante des médias et des élus politiques de droite comme de gauche, ne visaient qu’à dépourvoir les populations de leurs contre-pouvoirs et de leurs droits (de l’homme) élémentaires. Bien loin d’avoir tiré l’humanité vers le haut, les dérégulations sauvages à l’échelle planétaire sont en train de lui faire mordre la poussière.
C’est pourquoi, tant que cette situation de dominance financière occulte demeurera, il est impératif de garantir à nos frontières le minimum de protections sociales pour nos concitoyens.
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Voilà, chers candidats et peut-être futur heureux élu, les conditions qu’un modeste citoyen avance pour vous accorder sa voix. Faute de quoi, je serai contraint de rejoindre le camp grandissant des abstentionnistes. J’ai trop le respect du droit de vote pour continuer à le dénaturer en un médiocre rituel d’élimination par défaut.
Je préfère me résoudre à rester à l’écart du fracas. Et attendre que l’exacerbation populaire parvenue à son comble nous décide, comme nos amis égyptiens ou tunisiens, à nous exprimer dans le seul endroit qui nous restera : la rue.
Que tous ceux et celles qui partagent ces cinq exigences morales les relaient sans relâche auprès des instances politiques, sur les blogs, sur les réseaux sociaux. Ne nous laissons pas rebuter par leur apparente ambition. Notre monde s’affaisse par oubli d’ambition morale.
Pierrick Tillet (Le Yéti)