Shutdown, dette et autres défaites : la chute de l’empire américain

Trop tard ! Quel que soit le misérable accord de dernière minute sorti d’un Congrès américain déchiré sur le « shutdown » et le plafond de la dette, le mal est fait. Ce nouvel épisode tragicomique, dans cette interminable crise de la Grande perdition, consacre bel et bien la chute fatale de l’empire américain aux yeux du monde.

Aux dernières nouvelles, ils en étaient à la proposition (républicaine) d’un minable report sur le budget à janvier 2014 et à février pour ce qui est du plafond de la dette. Assortie de conditions si draconiennes pour Obama que la Maison blanche s’y opposa d’emblée. À ce niveau d’accord-là, on parlerait plutôt d’un pitoyable sursis du condamné.

Pas seulement un problème de tuyauterie financière

Le monde entier ne s’y est pas trompé, à commencer par la Chine, premier créancier de l’empire déchu à hauteur de quelque 2 000 milliards de dollars. Un rappel à l’ordre du premier ministre Li Keqiang, un courrier comminatoire du vice-ministre chinois des Finances Zhu Guangyao. Et jusqu’à cet ultime affront méprisant délivré par l’agence officielle Chine nouvelle :

<< Alors que les hommes politiques américains ne parviennent pas à trouver un accord viable pour refaire fonctionner normalement les institutions politiques dont ils sont si fiers, c’est peut-être le bon moment pour une planète embrouillée de commencer à envisager la construction d’un monde désaméricanisé. >>

Évoquant dans la foulée, << une nation hypocrite >> et la nécessité impérieuse d’<< un nouvel ordre mondial >>, l’agence Chine nouvelle, qui ne publie guère sans l’aval des autorités, porte le débat à un niveau bien plus sensible en stigmatisant les << tensions [fomentées par l’empire américain, ndlr] dans des différends territoriaux et en menant des guerres injustifiées sous couvert de mensonges éhontés >>.

De fait, il serait bien réducteur de réduire la chute actuelle de l’empire américain à un seul problème de tuyauterie financière. Faut-il rappeler l’humiliant camouflet infligé à l’oncle Sam (et à son cousin Hollande) par la Russie de Poutine dans l’affaire syrienne ?

Faut-il remettre sur le tapis le chaos laissé en Irak par nos missionnaires du Bien ? Le fiasco afghan où l’émissaire Kerry en est réduit à négocier avec son allié Karzaï l’impunité des soldats américains pour les ravages qu’ils y auront commis avant leur futur piteux retrait ?

Conséquences mondiales

En bref, il n’y a plus guère que les places boursières et les médias confits occidentaux pour croire encore au miracle. Mais le reste de la planète aurait pourtant tort de se gausser sans retenue de l’ancien maître du monde. Car les conséquences de la chute de l’empire américain ne resteront pas sans conséquences douloureuses pour eux-mêmes.

Au niveau économique et financier d’abord. L’économiste Jacques Sapir en analyse en détail les contrecoups pour les autres économies mondiales, européenne en particulier :

  • dégradation de la note américaine (déjà proposée sans attendre par Fitch) avec hausse brutale des taux d’intérêt ;
  • chute du dollar et hausse pénalisante des autres monnaies, euro en particulier ;
  • paralysie économique américaine galopante (800 000 fonctionnaires américains bouclent déjà leur troisième semaine de congé sans solde… en attendant que l’infection se propage aux grandes entreprises du pays (Boeing annonce un vaste plan social) et aux PME ;
  • mise à mort enclenchée du Roi dollar comme monnaie internationale de réserve.

Haro sur la bête blessée

Conséquences également au niveau des relations internationales. Dans son dernier numéro, le Geab écrit :

<< Un leader est suivi quand il est craint, non quand il est ridicule. >>

Et la revue allemande Deutsche Wirtschafts Nachrichten, citant l’outrage des autorités chinoises, de porter l’estocade :

<< Perdre la face est le châtiment maximal dans la grille des valeurs asiatiques. >>

Nul n’est besoin d’être prophète pour anticiper l’aggravation des tensions internationales que ne manquera pas d’entraîner cette déroute économique et financière du vieil empire issu de la précédente guerre mondiale. Quoi de plus dangereux qu’un fauve blessé et humilié… sinon les charognards qui planent déjà sur ses décombres !

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