Noam Chomsky : « Il n’y a pas de guerre contre le terrorisme »

Excellente initiative d’Olivier Berruyer qui reprend sur son site une interview de Noam Chomsky sur les pseudo-guerres contre le terrorisme. << Il n’y a pas de guerre contre le terrorisme >>, déclare Chomsky, mais bien plus sûrement prise de contrôle irresponsable de ressources énergétiques ou de positions géopolitiques.

Ceux qui qualifient l’expédition malienne d' »impératif démocratique » pour enrayer une << invasion barbare >> et assurer l’<< indépendance >> d’un pays ami feraient bien de s’aviser que le Mali est aussi le premier pays africain en matière de production aurifère. Et que son voisin nigérien détient de précieuses réserves d’uranium.

Ceux-là devraient aussi se demander pourquoi les mêmes vertueux croisés démocratiques luttent contre le terrorisme d’État d’un El Assad en Syrie… en armant ouvertement les mêmes « barbares » islamistes ! Le précédent libyen ne leur suffisait-il pas ? C’est en partie de ce pays « libéré » que partent aujourd’hui armes et combattants islamistes du Nord-Mali.

La fabrique à terroristes

En Irak, dit Chomsky, il est faux de dire que les forces américaines ne trouvèrent pas d’armes de destruction massive. Ils y trouvèrent celles qu’ils avaient eux-mêmes vendues dans les années 1980 à Saddam Hussein, au temps où celui-ci était encore considéré comme un allié bien commode.

Chomsky va plus loin encore :

<< La guerre [contre le terrorisme] a augmenté le terrorisme. En fait, elle a même produit quelque chose qui n’existait pas auparavant, un nouveau terrain d’entraînement pour les terroristes. >>

La défense agressive d’intérêts bien compris n’explique pas tout. La folie finit par s’en mêler. Les prétendues forces du Bien sécrètent elles-mêmes le venin qui les tuera. Combien de nouvelles germes du terrorisme seront-elles secrétées, jusque dans certains de nos propres quartiers, par cette nouvelle lamentable opération guerrière ?

Une guerre contre nous-mêmes

Ces guerres d’occupation ne peuvent pas être gagnées. Au Mali, nos Rafale et nos Mirage porteront des coups sans doute sévères aux fous de Dieu d’Ansar Dine. Mais déjà les premières désillusions transparaissent : le fiasco somalien, une résistance << plus forte que prévue >> au Nord-Mali.

Au Mali, en Irak, en Afghanistan, en Libye, nous nous battons contre nos propres démons, fussent-ils incarnés par les barbes et les djellabas des islamistes fous. Nos armées classiques sont à la peine face à des adversaires aussi déterminés qu’insaisissables. Al Quaida est-il mort avec Ben Laden ?

Nos guerres ne sont pas commandées que par la raison ou l’intérêt maquillé sous de vagues prétextes idéologiques, mais par l’impossibilité de notre raison et de notre intelligence à enrayer nos pulsions aveugles de dominance.

Cette dominance que son système économique et financier en pleine déliquescence ne peut plus lui assurer, l’Empire occidental, né il y a presque soixante-dix ans sur les ruines de la Seconde guerre mondiale, va essayer de l’imposer par les armes et la guerre. Mais une guerre qu’il va perdre. Comme les guerres perdues de tous les autres empires parvenus au bout de leur histoire.

On ne combat pas le terrorisme avec des armes. On le prive de ce qui le nourrit : la misère, l’injustice, l’arrogance des puissants. On ne gagne pas une guerre contre soi-même. Plus qu’une guerre, un suicide.

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