Entre la démocratie et la Troïka, il faudra trancher

Mikis Theodorakis devant le Parlement grec

Les choses tournent vraiment vinaigre. L’Europe, cette Union démocratique censée rassembler les peuples du vieux continent, est en train de tomber en déliquescence sous les coups de boutoir de la « Grande perdition » et de son oiseau de mauvais augure : la Troïka. Certains commencent à sérieusement se rebiffer.

<< Un complot international est en cours, visant à mener à terme la destruction de mon pays. Aujourd’hui ils essaient de nous exterminer physiquement par le chômage, la famine et la misère. Si le peuple grec ne se soulève pas pour les arrêter, le risque de disparition de la Grèce est bien réel.  >> (Mikis Theodorakis, 12 février 2012).

Le pré carré d’un petit cercle rassis

D’autres vieilles nations vacillent ou tombent, les unes après les autres, le Portugal, l’Espagne, l’Italie… Aux mains de dirigeants fantoches, comparses ou même issus de ce milieu bancaire interlope.

Soutenu par un grand patronat aux pratiques obscènes, relayé par les élites confites de la cour médiatique, culturelle, intellectuelle, le petit cercle rassis s’accroche à son pré carré, défend mordicus ses privilèges sans souci de spolier les populations de ce qui était leur bien le plus cher, la démocratie et sa laïque trinité : liberté, égalité, fraternité.

Les élections ne sont plus que faux semblants mis en coupe réglée par les instituts de sondage et les milieux d’argent pour maintenir une illusion enfuie. Ne sont en réalité tolérés que les prétendants ayant prêté allégeance, les autres étant impitoyablement refoulés à la marge.

Faut-il rappeler le sort qui fut fait aux résultats des référendums français et irlandais sur le projet de constitution européenne ? Faut-il rappeler qui approuva ou s’abstint, avec des airs en biais, sur le traité de Lisbonne à Versailles en février 2008 ?

Ou encore, hier encore, sur ce Pacte de stabilité européen (MES), véritable acte de capitulation face aux diktats des financiers et de la Troïka (BCE, Commission européenne, FMI).

Le concept d’eurofascisme

Regardez encore comment « ils » exécutèrent la promesse de référendum d’un Papandréou à la dérive. Suivez, oui, suivez bien comment ils se comporteront face aux prochaines législatives d’avril 2012 en Grèce (si elles ont lieu).

Ce qui était hier menaces et déplorables coups fourrés est aujourd’hui une bien sombre réalité : la démocratie est moribonde en Europe. Et le fait que la situation soit pire de l’autre côté de l’Atlantique n’est ni rassurant, ni une circonstance atténuante.

Aujourd’hui, un projet politique de rupture avec le totalitarisme financier n’a aucune chance de s’imposer, encore moins de se réaliser, par la seule volonté des urnes. « Ils » ne le permettraient pas et ne laisseraient pas menacer leur château. L’exemple grec ne suffit-il pas à s’en persuader ?

L’Europe — mais pas qu’elle — se dirige désormais tout droit vers une situation historique explosive, dramatique, où rien ne se résoudra sans l’intermédiaire, à un moment ou à un autre, de la rue. Entre la Troïka et la démocratie, il faudra alors choisir. Et trancher à vif.

<< Ce qui se passe actuellement en Grèce, c’est la destruction de la démocratie par l’Europe. Et comme le processus de destruction se fait par le haut, par un complot des élites, je pense qu’on peut commencer à spéculer sur le concept d’eurofascisme >> (Emmanuel Todd, 14 février 2012).

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