Voici donc venue la phase ultime de la « Grande perdition » ; la guerre. Inévitable, incontournable. Foin de nos impératifs sacrés de désendettement, de déficit à 3% maxi. Nous voici embarqués sur la pente suicidaire des aventures meurtrières. Dont nous serons cette fois, aux yeux de l’histoire, les coupables, les salauds.
Regardez qui, en notre nom à nous, Français, mène l’offensive. Ce personnage falot, ce second couteau remplaçant au pied levé, en 2012, un énervé de la quéquette rattrapé par ses débordements (c’est dire à quel niveau déjà nous étions tombés).
Voyez notre Tartarin de Tulle qui se lève, plus rigolo du tout sur ce coup, et qui décide, comme ça, tout seul, d’aller punir tel dictateur de circonstance. Enfin tout seul, pas tout à fait, aidé qu’il est par son ministre des affaires étrangères, comme dans cet incroyable numéro d’indignation médiatique surjoué à gros sabot :
Laurent Fabius, BFM-TV
Foin de l’avis du peuple hostile à plus des deux tiers à une intervention sur la Syrie (sondage Le Figaro). Foin de celui des députés que notre fine équipe gouvernementale omet soigneusement de faire voter. Au diable les moutons bêlants de l’Onu ou le prêche pacifiste d’un pape qui ferait bien de s’occuper de ce qui le regarde : la vie après la mort que nous allons semer.
Un stratagème aussi grossier qu’immuable
Inlassablement, certains comme Michel Collon démonte le grossier stratagème, toujours déclinable selon les cinq principes immuables de la propagande de guerre :
- cacher les vrais intérêts en jeu
- cacher l’histoire
- diaboliser l’adversaire
- se faire passer pour les défenseurs des victimes
- monopoliser et empêcher le débat
Michel Collon, « Ce soir ou jamais », France 2
Un plan d’invasion mûri de longue date
Les intérêts en jeu ? Les ressources énergétiques qui menacent de manquer cruellement à un empire occidental en plein naufrage financier et économique. À commencer par ce projet de gazoduc par lequel le Qatar voudrait pouvoir acheminer le précieux gaz vers l’Europe. Via la Syrie !
Car rappelons-le, c’est avec des pays comme le Qatar ou l’Arabie saoudite que nos chantres occidentaux de la liberté entendent défendre les saintes valeurs de la démocratie en pays barbares.
Cacher l’histoire ? Pourtant dans la panique générale des puissants voyant s’échapper ce qui faisait leur puissance, certains mangent méchamment le morceau. Comme l’ex-ministre Roland Dumas avouant crûment que l’invasion de la Syrie et la destitution de Bachar el-Assad étaient depuis bien longtemps dans les tuyaux de l’Occident :
Roland Dumas, « Ça vous regarde », LCP
Jusqu’aux vertueuses sonneries aux morts
Les maîtres du monde désarçonnés, entraînés par une force tellurique qui déjà les dépasse, reconnaissent volontiers, par la voix du secrétaire général de la Maison blanche, que leur expédition prétendûment « punitive », comporte de graves risques collatéraux. Et pour cause !
Croyez-vous que les Russes et les Chinois et les Iraniens et les autres puissances de la planète vont assister sans moufter à cette mainmise sur les ressources énergétiques par le gendarme occidental décati ? Déjà leurs navires de guerre convergent vers le théâtre d’une tragédie qui menace de plus en plus de dégénérer en un nouveau conflit mondialisé.
Au bout du compte, que croyez-vous qu’il adviendra ? Ce sont nos enfants qui vont mourir. Pour rien, comme d’habitude. Avec pour plus tard de vertueuses sonneries aux morts au pied de sinistres monuments aux morts.
<< On croit mourir pour la patrie ; on meurt pour des industriels >> (Anatole France)
Dernière minute
La propagande de guerre revêt parfois des aspects presque comiques. Dans la nuit de dimanche à lundi, deux occidentaux enlevés en Syrie -– le journaliste italien Domenico Quirico et l’enseignant belge Pierre Piccinin –- ont été libérés. Mais, cherchez bien, pas une agence de presse, pas une autorité qui vous précisent qui étaient leurs ravisseurs, vraisemblablement rebelles anti-Assad si l’on en croit cette petite phrase laconique lâchée par Domenico Quirico à son arrivée :
« Je voulais raconter l’histoire de la révolution syrienne mais… la révolution s’est transformée en quelque chose d’autre. »