Cette émotion particulière…

Dans tout ce que j’ai été amené à connaître, à éprouver, à vivre, jusqu’ici, je ne vois rien de comparable à cette émotion particulière que provoque le contact avec la faune sauvage, quelle qu’elle soit, y compris la moins exotique ou la moins spectaculaire qu’on puisse imaginer. D’autres émotions que celle-ci peuvent être aussi intenses, parfois même davantage, mais elles restent fondamentalement différentes. Aucune d’entre elles ne parvient à générer quelque chose d’identique.

Je ne sais toujours pas pourquoi, ni ce que ça vient toucher en moi, ce que ça fait vibrer, résonner. Ce sont des instants à part, comme suspendus, où l’on croirait que le temps lui-même coule autrement, où il n’y a besoin d’aucun mot, d’aucune pensée. Dans ces moments-là, je ne « veux » rien. L’immobilité intérieure et le silence sont des clefs. Il s’agit en quelque sorte de s’oublier, en tant qu’individu qui la plupart du temps se pense et se vit comme séparé de tout le reste, de tout ce qui l’entoure, séparé du vivant, et au fond, coupé d’une partie de lui-même. Peut-être la partie la plus concrète, la plus fiable, la plus vraie, ou en tous cas la moins encombrée. La plus apte, qui sait, à percevoir la réalité environnante, sans tous ces filtres sociaux, culturels ou autres, qui ont toutes les chances de nous faire interpréter de travers ce qui est réellement là.

Oublier cette personnalité que l’on croit être, pour aller à la rencontre de cette faune sauvage, et ressentir finalement qu’on n’est pas face à une altérité mais à un semblable. Que le renard qu’on aperçoit, le rapace qu’on voit planer, le petit rongeur qui s’enfuit, le chevreuil qui reste un instant à vous observer avant de disparaître d’un bond, que tout ceci, et soi-même, c’est une seule chose.

Au sortir de ces instants-là, dans mes rêveries, j’imagine avoir peut-être approché une vibration qui serait vraiment la vie, la même aujourd’hui qu’à l’origine des temps, qui serait ce qu’on pourrait appeler l’âme du monde. Je l’imagine et en réalité je l’espère, pensant qu’en étant à son contact elle me nourrit, elle m’enseigne et me guérit. Que peu à peu, si ces occasions se multiplient, elle fera de moi un être qu’on pourrait alors qualifier d’humain. A sa place la plus juste, à l’endroit où il ne dérangerait rien, où il pourrait simplement embrasser la totalité de ce qui existe, être dans tout et que tout soit en lui, en un équilibre parfait, éprouvant enfin une sorte de plénitude. Et sans doute une vraie et profonde joie de vivre.

A propos de Bob Solo 501 Articles
Autodidacte en tout, café-théâtre, chanson française (auteur-compositeur-interprète), sculpture, photo, écriture, et même agriculture, en rupture de ban avec "le système", je me cantonne désormais à produire de la pensée et de l'émotion. Je n'attends pas de jours meilleurs (ils seront pires) mais j'en fabrique comme je peux...