Ces nouveaux producteurs de cinéma qui vendent la culture par paniers

Nous_avons_des_armes.jpg
Affiche du prochain film de Gilles Balbastre

Las de se heurter au mur intransigeant de producteurs ignares ou de médias plus soucieux d’acheter des temps de cerveaux disponibles que de les remplir, des cinéastes ont décidé de s’affranchir de ces intermédiaires obtus et de s’adresser directement à leurs futurs spectateurs, moyennant un système proche de celui des AMAP cher aux agriculteurs. La culture vendue par paniers, fallait y penser !

.<< La première AMIP de l’histoire de l’humanité >>

Pionnier en la matière, le documentaire de Pierre Carles, « Pas vu, pas pris », sorti en 1998, a été financé grâce à 600 000 francs de l’époque récoltés par une association, « Pour voir pas vu », créée pour l’occasion par Charlie-Hebdo et le dessinateur Gébé. Au bout du compte : 160 000 spectateurs comptabilisés à ce jour (sans compter les téléchargements sur Internet !).

Denis Robert, journaliste bien connu pour avoir été chatouiller la forteresse financière Clearstream, a lancé sa propre boîte de prod’, Citizen films. L’objectif de 30 000 euros pour un projet sur l’écrivain-chroniqueur Cavanna a été bouclé en quelques semaines via la plateforme KissKissBankBank. Denis Robert :

<< Citizen Films est né d’une volonté farouche de faire des films documentaires. On s’intéresse à tout ce qui bouge, vit, meurt, ressuscite. On est un lieu de mémoire, de réflexion, de recherche et d’expérimentation. >>

Le journaliste reporter d’images Gilles Balbastre,  co-auteur avec Yannick Kergoat des « Nouveaux chiens de garde » (2012, 240 000 spectateurs), s’est lui aussi résolu à fonder son association, Nada, << première AMIP [Associations pour le maintien de l’information progressiste, ndlr] de l’histoire de l’humanité >>. Gilles Balbastre :

<< Produire une information « biologique », sans aucune trace de libéralisme ni de publicité, sans collusion ni connivence, fabriquée par des journalistes professionnels élevés en liberté, entièrement nourris à l’investigation, attentifs à la maturation complète de leurs enquêtes. >>

Ils ont des armes, offrez-leur les munitions

Vous l’avez compris, l’expression commune de tous ces francs-tireurs de l’industrie cinématographique passe plus par le documentaire que par l’œuvre de fiction. Et les paniers de nos AMIP ne penchent pas vraiment vers la droite de la pensée intellectuelle ou politique. Comme pour leurs collègues paysans des AMAP, en quelque sorte.

Nouvelle voie durable de la production cinématographique ? Phénomènes isolés sans lendemains ? En tout cas de jolis succès à la clé qui témoigne d’un net besoin du public en la matière. Sans diffusion en prime-time à la télé, sans montée glamour des escaliers à Cannes pour leurs réalisateurs. Avec juste ce qu’il faut de satisfaction personnelle pour les créateurs et leurs financiers, c’est-à-dire vous-mêmes !

Non, ne rêvez pas, pas de nababs à gros cigares, ni de limousines flamboyantes dans ces chemins de traverse de la production cinématographique, pas de fortunes rutilantes ou d’amours tempétueuses à afficher dans la presse people. Juste l’impression du devoir accompli et d’avoir participé à une aventure pas trop débilitante.

Envie d’être les nouveaux tycoons du cinéma français pas con ? Pas difficile, essayez. Gilles Balbastre prépare un prochain film au titre emblématique : « Nous avons des armes ». Reste aux citoyens responsables que vous êtes de lui fournir les munitions dont il a un impérieux besoin en téléchargeant le bulletin de souscription (à partir de cinq euros, c’est déjà bon).

A propos de Pierrick Tillet 3377 Articles
Un voyageur à domicile en quête d'une nouvelle civilisation.