Candidature Mélenchon : tirs nourris du service d’ordre médiatique

Couverture de Libération, 26 janvierÀ la veille de consacrer sa une et ses pages « Évènement » à la candidature de Jean-Luc Mélenchon pour les présidentielles 2012, la rédaction du quotidien Libération publiait sur son site une drôle de vidéo pour justifier son « audace ».

L’écoute de la bande-son ne laissait pourtant pas planer le doute très longtemps sur les intentions véritables du quotidien fondé jadis par ce gauchiste de Jean-Paul Sartre, aujourd’hui aux mains d’Édouard de Rotschild. Le titre de une du lendemain confirmait l’appréhension :

« Mélenchon, l’homme qui veut faire perdre DSK »

« La menace Mélenchon »

Dès ses premières phrases, l’édito de Joffrin n’était pas en reste de ce titre de une :

« Ce n’est pas parce qu’on parle fort, qu’on parle juste. On peut être un bon orateur et un mauvais analyste. Tel est Jean-Luc Mélenchon, Gnafron du post-marxisme. »

Ajoutons pour couronner l’outrage, le titre de l’article principal :

« La menace Mélenchon »

Pour dézinguer, ça dézinguait sec ! Ne pêchons pas par naïveté. Il n’y avait guère de chance pour que Libé intitule sa une : « Mélenchon explique les raisons de sa candidature ». Personne dans la rédaction ne s’en souciait. Le seul objectif : dégommer l’importun au sérail. Avec d’autant plus de férocité que celui-ci ne leur faisait pas de cadeau non plus.

Poussée d’urticaire isolée ? Que nenni ! Tous s’y sont mis, du Monde au Nouvel Obs. En passant par les amalgames grossiers d’un Plantu dans l’Express ou l’altercation avec Demorand sur Europe 1. Jusqu’à Daniel Schneidermann qui se croyait obligé d’y aller de son couplet avec une citation tronquée sur l’inamovible épouvantail cubain.

La démocratie tenue en laisse

Le but n’est pas ici de défendre la candidature de Jean-Luc Mélenchon ou autre Eva Joly ou encore, à l’autre bord, Dupont-Aignan, mais de montrer une nouvelle fois à quel point notre démocratie est pervertie, vidée de sa substance, par un paysage médiatique sclérosée et uniformisée à l’outrance.

Le problème n’est pas que ces médias défendent leurs opinions, mais qu’ils aient tous la même ! Et même les mêmes informations, vu que tous se contentent désormais de reprendre tel quel, avec à peine quelques fioritures pour faire genre, les mêmes dépêches des mêmes AFP officielles. Monde clos et sous influence en pleine consanguinité dégénérescente, visant à une bipolarisation commode de notre vie politique.

Encore, diront certains, Mélenchon et consorts ont-il loisir d’être candidats ! Parce qu’à Cuba… À Cuba, peut-être pas. Mais pas non plus aux USA. Parce qu’aux USA, pays de la liberté monnayable, pour être candidat et avoir la chance d’être un tant soit peu audible, visible, et au final élu, il faut réunir des sommes si extravagantes que le profil des postulants possible y est là aussi strictement restreint par des sponsors privés aux intérêts bien compris (et exigeants, n’est-ce pas, Barack Obama ?).

Tunisiens, venez nous faire la leçon SVP !

Dans nos fiers pays démocratiques, l’idée de démocratie tend à la simple façade. L’expression n’y est tolérée par l’élite microcosmique que dans la mesure où elle ne les menace pas. Que cette expression libre parvienne à franchir les filtres médiatiques ou financiers (sur Internet, par exemple) et il faut voir comme nos chantres de la liberté à sens unique montrent les crocs, retroussent les babines, préparent leurs barbelés législatifs.

N’y eut-il jamais véritable expression démocratique en notre pays ? Bien sûr que si. Sans remonter à loin, fut un temps où les règles imposaient à nos organes d’information une stricte égalité de paroles pour tous les candidats quels qu’ils soient. C’est ainsi qu’en 1965, un certain Marcel Barbu eut droit au même traitement qu’un De Gaulle, un Mitterrand ou un Lecanuet.

Balayé, tout ça ! La privatisation des supports d’information, le triomphe du fric tout-puissant, ont dénaturé le modèle. Pire encore, la Grande Crise braque un peu plus notre microcosme malmené en ces certitudes et en son confort. Autant dire que ça risque d’être chaud et assez puant d’ici le premier tour des prochaines présidentielles.

Notre pays aurait certes bien besoin de revenir aux fondamentaux de la vraie démocratie populaire. Mais où et comment les retrouver ? Au secours, Tunisiens, nous avons besoin de vos leçons !

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Un voyageur à domicile en quête d'une nouvelle civilisation.