Brésil : la stratégie de l’empire US pour reprendre la main en Amérique du sud

Jair Bolsonrao photo : © AFP / Fernando Souza

Le déroulement de la présidentielle brésilienne illustre jusqu’à la caricature la tentative de l’empire US pour reprendre la main en Amérique du sud.

Dimanche au Brésil, le candidat de la droite pro US, Jair Bolsonaro [photo], est largement arrivé en tête (46,06%) devant le candidat de gauche par défaut (de Lula), Fernando Haddad, Parti des travailleurs (PT, 29,24%). Les commentateurs de gauche tentent de se rassurer en évaluant les chances de leur poulain de refaire son retard au second tour en réunissant la totalité des voix « progressistes » éparpillées.

Mais c’est un peu vite oublier la volonté de l’Oncle Sam voisin d’empêcher par tous les moyens toute élection démocratique d’un prétendant qui contrecarrerait les ambitions de l’empire US sur le continent sud-américain. La stratégie est des plus simplistes : ou vous votez démocratiquement pour des candidats qui nous sont favorables, ou on arrangera votre démocratie à notre sauce.

L’usure de certains candidats sortants de gauche favorise bien évidemment la première option US. Ce fut le cas avec l’élection à la régulière de Mauricio Macri en Argentine après le départ de Cristina Kirchner en 2015. ET il faut bien dire qu’en 13 années de pouvoir au Brésil, le PT avait accumulé bien des déceptions et rancœurs contre lui (au point que ce même même dimanche, l’ancienne présidente Dilma Rousseff a échoué dans sa tentative d’être élue sénatrice dans l’État de Minas Gerais.

Trois méthodes radicales US pour « arranger » la démocratie

Les méthodes d' »arrangement démocratique » brillent par leur radicalisme très primaire :

  • la corruption d’élus au départ défavorables en principe au système : c’est d’évidence le cas en Équateur avec le président Lenin Moreno, successeur du trublion Correa en mai 2017 ; la tentative d’amadouer le président de Cuba, Raul Castro par un assouplissement de l’embargo semble elle avoir échoué ;
  • la destitution d’élus ou la disqualification de candidats défavorables, via des juges complaisants et sous de vagues prétextes de corruption avérée ou plus souvent supposée : Dilma Roussef, présidente destituée au Brésil en 2016, Lula, ex-président PT et grand favori de la présidentielle 2018, emprisonné pour douze ans en avril 2018 ; notez également les poursuites judiciaires envisagées ou même entamées pour empêcher les retours de Cristina Kirchner en Argentine ou de Rafael Correa en Équateur ;
  • enfin, au cas ou les deux solutions précédentes ne marcheraient pas, reste l’hypothèse du coup d’État bête et brutal  ouvertement envisagé par des responsables étatsuniens contre le « régime » de Nicolás Maduro au Venezuela.

La détermination des États-Unis à reprendre la main sur sa chasse-gardée sud-américaine s’explique par le contexte géopolitique international. Marginalisé au Moyent-Orient et en Eurasie par l’axe constitué de la Russie, de la Chine et de l’Iran (sans oublier l’Inde et quelques autres pays émergents), l’empire US ne pouvait pas non plus se laisser manger la laine sur le dos aussi près de ses frontières.

L’urgence de réagir était d’autant plus vive que la fronde avait été amplement initiée par le Cuba de Castro, le Venezuela de Chavez, la Bolivie de Morales, l’Équateur de Correa, l’Argentine de Kirchner, le Brésil de Lula, l’Uruguay de Mujica et maintenant le Mexique d’AMLO (Andrés Manuel López Obrador), « dangereux » président de gauche passé entre les mailles du filet de la CIA en juillet 2018 et dont vous pouvez être persuadé qu’il est sous étroite surveillance.

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