Bilan 2013 (2/4) : les citoyens prennent leurs distances

C’est un sondage de toute fin d’année qui a révélé l’ampleur du phénomène : les Français sont 64 % à penser que la crise actuelle n’est pas une crise ordinaire, mais une << mutation profonde et durable de la société >>. Le plus étonnant dans l’affaire fut surtout l’étonnement de l’élite devant cette révélation.

Car il n’y a plus guère que l’élite pour croire ou faire croire en un mauvais moment passager à endurer. Rien de changé en 2012 sur le grand clash au ralenti. Et plus personne ne se laisse abuser par les dentelles improbables dont l’establishment essaie de parer le macchabée (ah, ces chiffres du chômage retoqués à grands coups de radiations autoritaires !).

Ne plus compter que sur soi-même

Pire encore, les dirigeants politiques sont emportés dans la tourmente. Plus que 14 % de Français pour croire en la droite, 6 % en la gauche.

On remarquera en passant la question tordue, presque désespérée, des sondeurs du microcosme : << À qui faites-vous le plus confiance pour relancer la croissance ? >> Ne leur est pas venu à l’idée que les Français avaient peut-être aussi fait le deuil de leur « croissance ».

Le gros problème est que nulle relève politique sérieuse ne se manifeste. L’extrême droite comme d’habitude ne prolifère que sur des décombres. Et les quelques élections partielles qui se sont tenues dans l’année ont montré que la mayonnaise du Front de gauche ne prenait pas vraiment sur l’opinion. Trop enfermé dans une bulle exclusivement militante et miné par des bisbilles entre composantes.

Étonnez-vous après que les Français soient 54 % à ne plus compter que sur eux-mêmes.

Regarder les gens d’à côté plutôt que du côté des statistiques

Il suffit de regarder autour de soi, plutôt que du côté des statistiques de l’Insee, pour se rendre compte que nos chers « gens d’à côté », même s’ils sont encore 79 % à croire en leur modèle de protection sociale, ne sont guère enclin, les jeunes en particuliers, à attendre le déluge pour prendre leur destin en main.

Ok, c’est encore du niveau de la débrouille, mais c’est désormais bien loin, sinon contre, les consignes, les prêches et même les interdictions formulées par les évangélistes du système. Comment ils s’en foutent, mes petits paysans du coin, des prohibitions de Bruxelles en matière de semences !

Le tort serait de croire que les « gens des côtés » soient résignés à leur sort. Pour en avoir rencontré bon nombre, je sais qu’ils sont pleinement conscients de leur situation (<< une retraite comme la tienne pour moi, papa, c’est mort >>). Juste qu’ils ont compris que la société dans laquelle ils allaient devoir vivre échapperait à la férule des compagnies d’assurance.

La montée en puissance de quelques idées iconoclastes

Contraints de faire avec, sans Mandela providentiel pour concrétiser leurs aspirations, les populations voient cependant fleurir quelques idées iconoclastes qui tranchent avec le discours sclérosant des momies du monde d’avant.

Ainsi le retour sur le devant de la scène de ce revenu de base, dit aussi revenu d’existence, ou encore revenu vital décent, qui prend acte d’un monde nouveau où le travail ne serait plus la condition sine qua non pour « gagner » sa vie.

Il est aussi d’autres idées qui font leur chemin. Beaucoup plus menaçantes pour l’élite finissante. Et qu’on entend monter jusque dans ses chapelles les plus emblématiques. Comme ce discours, inimaginable il y a encore quelque temps, d’un député européen le 21 novembre 2013 au Parlement de Strasbourg :


<< Les gens vont vous pendre et ils auront raison >> (Godfrey Bloom, 21/12/13)

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