Avant la grève générale du 5 décembre : la peur a changé de camp

Avouons-le, on ne sait pas encore si la « gréve nationale illimitée » du 5 décembre sera le bouquet final de la révolution commencée il y a un an. N’empêche, ça commence à sérieusement pétocher du côté des ors pisseux de l’Élysée.

Après les “festivités” (un brin secouantes, c’est vrai) qui ont accompagné le premier anniversaire du soulèvement des Gilets jaunes, un constat s’impose : la stratégie de la peur adoptée par le pouvoir pour museler la mutinerie a échoué. La répression féroce, tant policière que judiciaire, n’a pas réussi à éteindre les feux de la colère sociale.

Certes, une grande majorité des premiers manifestants de ronds-points a été dissuadée de venir se faire éborgner, mutiler, embastiller. Mais un noyau dur d’activistes demeure, avec toujours à sa tête les mêmes incorruptibles figures emblématiques. Lors de l’acte 53, ils étaient encore environ 60.000 à défier le système (source : Le Nombre jaune et le syndicat France police-Policiers en colère).

Même si cela constitue une pointe depuis longtemps hors de portée, le nombre de manifestants en jaunes est resté suffisant de semaines en semaines pour que leurs actes hebdomadaires restent visibles d’une opinion publique qui leur est toujours majoritairement acquise, suffisant aussi pour donner des idées à d’autres corporations en colère : les urgentistes, les étudiants, les pompiers, les défenseurs du climat…

Les Gilets jaunes ont indéniablement remporté la première manche de leur révolution

De fait, après une première alerte lors de l’acte 4 du 8 décembre 2018 qui avait vu le système sérieusement ébranlé, au point qu’on avait même songé à exfiltrer le cornichon de l’Élysée par hélicoptère, la peur que le régime croyait avoir instillée dans les rangs des Gilets jaunes a fait long feu, de même que l’anesthésiant “Grand débat” ou l’épouvantail islamique récemment sorti en hâte du placard pour faire écran.

Et ce n’est pas l’annonce de la grève nationale du 5 décembre qui risque d’apaiser les chocottes de l’oligarchie. On ne sait encore si cette grève nationale sera suivie ou non, encore moins si elle sera aussi « illimitée » qu’on le voudrait, ou si elle sera aussi concluante qu’on le souhaiterait. Mais une révolution est une affaire de longue haleine, toujours initiée par des minorités, qui demande du temps à être installée dans les esprits pour que les majorités effrayées s’enhardissent à la rallier.

De ce point de vue-là, le premier anniversaire du soulèvement et l’annonce d’un mouvement social de grande ampleur pour le 5 décembre montre que le quarteron des irréductibles Gilets jaunes a indéniablement gagné la première manche de sa révolution. Le pouvoir, dont on devine aisément à la véhémence grandissante de ses thuriféraires médiatiques qu’il n’a jamais été si rassuré que cela, a de plus en plus des raisons de paniquer. Les mouches, comme disait feu le commentateur de rugby Roger Couderc, pourraient bien avoir changé d’âne.

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