Art & politique : Mathieu Boisadan (1977- )

Mathieu Boisadan Damage Control, 2015, acrylique et huile sur toile 190 x 270 cm (collection privée)

Mathieu Boisadan est né en 1977 à Dijon. Études de philosophie à l’Université de Strasbourg. Peint et enseigne à Strasbourg (à la Haute-École des Arts du Rhin).

Mathieu vit en Alsace, un espace à part, chargé de culture et de légende, propre à la création : “C’est le territoire de l’Or du Rhin, l’Alsace ce n’est pas tout à fait la France, j’ai l’habitude de ses codes, c’est pour moi quelque chose de très positif.“

« Une enfance divisée entre la France et la Suisse; adolescent de la Guerre Froide, j’ai toujours été fasciné par les frontières physiques et psychologiques du monde. La situation de l’entre-deux est celle de mon confort… Ce qui m’intéresse, c’est à la fois une histoire personnelle et plus large. La chute du Mur de Berlin a eu lieu quand j’avais 12 ans, il y avait cette dichotomie entre un monde en pleine lumière, les États-Unis et, de l’autre côté, un territoire complètement inconnu. Le bloc communiste est très vite devenu un fantasme personnel.“

Yougoslavie, Bosnie, Russie, Mathieu a beaucoup voyagé dans les pays d’Europe de l’est et participé à plusieurs résidences d’artistes. Des voyages sous la forme d’un pèlerinage dans ses propres fantasmes qui ont profondément influencé son univers pictural. Des réminiscences de ses fréquents voyages en Europe centrale et de la peinture russe du 19e siècle découverte à Moscou – celle de Mikaïl Nesterov lui donnant envie d’éclaircir sa palette – nourrissent ses oeuvres les plus récentes.

Mathieu Boisadan nous propose une peinture complexe, dense et mystérieuse, en multipliant les sources d’inspiration, il décrit une trajectoire à la fois documentée et imaginaire qui ouvre sur des mondes à la tonalité onirique. Face à la consommation frénétique des informations et la digestion impropre des horreurs quotidiennes, il a la patience de nous rappeler que les attentats du 13 novembre 2015 côtoient les exactions de l’ex-Yougoslavie, que les militaires traversent des jardins d’enfants, que les massacres d’hier seront peut-être pires demain. Il le fait posément, sans dénonciation ni engagement de façade. Un travail qui donne à voir, à réfléchir, une peinture qui explore les hommes et l’Histoire qui les porte, par-delà les frontières.