
Je ressors de la lecture du livre d’Emmanuel Todd, Les Luttes de classes en France au XXIème siècle (Le Seuil), groggy. Il serait vain de vouloir résumer en un billet une telle somme d’intelligence dans la peinture au scalpel que fait l’auteur de notre société française d’aujourd’hui.
Lorsqu’il m’est donné de lire d’aussi monumentaux travaux d’introspection du monde où je vis, mon réflexe est d’essayer d’en tirer les lignes de conduite pour le présent immédiat à venir. Prenons le titre d’Emmanuel Todd au mot : « les luttes des classes en France au XXIème siècle », mais comment ?
Une lutte des classes à 99 contre 1 (et même 0,1)
Il y a dans l’ouvrage une très intéressant typologie « active » des classes sociales actuelles de notre pays. Todd les précise (en partant du haut vers le bas de l’échelle hiérarchique) :
- 1% de dominants, eux-mêmes divisés entre 0,1% de véritables décideurs détenteurs du capital – « l’aristocratie stato-financière » – et 0,9% de « dépendants », ces opulents très aisés qui croient être au niveau des rois, mais qui n’en sont que la cour servile ; à noter, même si Todd ne le précise pas, que Macron se trouve probablement dans cette dernière sous-catégorie, vu, répète l’auteur tout au long de son ouvrage et de ses interventions médiatiques, que ce personnage élyséen fantoche est totalement dépourvu de tout pouvoir, simple exécuteur privilégié au service de ses commanditaires de l’aristocratie stato-financière ;
- la petite bourgeoisie CPIS (cadres et professions intellectuelles supérieures – 19%) rassemblent des professions aussi disparates que les cadres commerciaux, les médecins, les avocats, les profs du second degré… et jusqu’aux artistes de cirque !
- la « majorité atomisée », la plus fournie (50%) est composée de la masse des techniciens, infirmier.e.s, artisans, petits commerçants, agriculteurs, ouvriers et employés qualifiés…
- le « prolétariat » moderne (30%) : les ouvriers et employés non qualifiés, les immigrés, les précaires déclassés, bref (c’est moi qui précise) le gros des bataillons de Gilets jaunes de la première heure.
Neutralisez les 1 (ou même surtout les 0,1) et les 99 sont gagnants !
À l’exception de la première catégorie, démontre Todd, toutes les autres classes sociales sont en voie d’égal appauvrissement – même s’il est bien entendu que l’appauvrissement est plus douloureusement ressenti si vous êtes déjà précarisé. L’augmentation des inégalités dont il est tant question, nous démontre Todd, ne concerne en réalité que le fossé en train de se creuser entre les 1% de super privilégiés et les 99% restants. Reprenons le tableau de Todd en le complétant avec nos propres annotations :
On le voit, la colère est partie de la base prolétarienne avec le soulèvement des Gilets jaunes en novembre 2018. Mais peu à peu la colère monte dans les différentes catégories sociales, touchant d’abord la « majorité atomisée », puis gagnant peu à peu la « petite bourgeoisie CPIS » (dont Todd attend avec curiosité « l’entrée en rage »).
Il n’est plus question, là, de “rassemblement de la gauche”, en vue d’une présidentielle 2022 (qui arrivera de toute manière trop tard), mais d’assaut immédiat de 99% de la population contre les “fauteurs de colère”, ces 1% de prédateurs au sommet, et plus urgemment encore les 0,1%.
Il y a une chose dont les tableaux ci-dessus ne rendent pas visuellement compte : 1% de salopards dans une population, et à plus forte raison 0,1%, c’est que dalle ! Une guerre imperdable. Occupez-vous de neutraliser ce petit 1%, ou seulement et d’abord les 0,1% – Pinault, Bolloré, Drahi, Niel and co, plutôt que leur laquais Macron – et c’en sera fini de la 5ème République dégénérée et corrompue. La Révolution française 2.0 sera accomplie.
=> Les Luttes de classes en France au XXIème siècle », Emmanuel Todd, Le Seuil, 384 pages, 22 euros.