Anonymat, pseudo, clandestinité : trois faces cachées pour des comportements opposés

La consultation sur le projet de loi référendaire ADP nous vaut les hauts cris des chantres de l’anonymat menacé.  L’occasion de distinguer trois comportements tout à fait distinct : l’expression anonyme, le recours aux pseudos, le combat clandestin.

Au nom de la protection de l’anonymat, un certain Benjamin Sonntag, ingénieur et « activiste », s’étrangle sur le Média. Pensez, s’écrie-t-il, le nom des participants à la consultation ADP est affiché sur le logiciel gouvernemental. C’est la voie ouverte aux fichiers d’opposants politiques, poursuit Sonntag. Le captcha, cette suite de lettres et chiffres distordus qu’il faut retranscrire pour accéder à chaque nom de la liste et empêcher que celle-ci soit absorbée par un robot malveillant, peut être facilement (?) contournée.

L’anonymat, repaire commode des malfaisants et des trouillards

Passons sur le fait que soutenir le projet de loi référendaire en question n’est pas s’opposer à la privatisation d’ADP, mais permettre à tous les citoyens, pour ou contre, de s’exprimer par référendum sur le sujet. En réalité cette position paranoïaque sur le fichage interdit tout bonnement tout recours à la démocratie directe par Internet, à la démocratie tout court. Car comment voter sans émarger sur une liste nominative de participation, comme ça s’est toujours fait dans les scrutins par isoloir ? Souhaitons aussi bon courage aux quelques scribouillards de la DGSI qui voudraient constituer et exploiter une liste de 4,7 millions de noms d’opposants supposés. Le nombre tue la personnalisation de tels fichiers ainsi que leur utilisation.

En attendant remarquons que l’anonymat sert surtout les corbeaux auteurs de lettres injurieuses, les salopards qui dénoncent leurs voisins juifs ou non, les trolls qui répandent leurs sales merdes sur les réseaux sociaux… Le repaire commode des malfaisants… et des trouillards. Benjamin Sonntag :

« Une journaliste m’a dit : « je suis plutôt contre la privatisation d’ADP, mais j’ai pas envie de signer, parce que comme je travaille avec les parlementaires sur mon média, je peux pas voir mon nom apparaître. » »

À ce niveau de couardise, cette journaliste ferait mieux de changer de boulot. Car informer sur le travail parlementaire en dorlotant lesdits parlementaires, ce n’est plus de l’info, c’est de la complaisance ! Le culte de l’anonymat a quelque chose de profondément malsain, des petits pets de triomphe offerts aux silencieux qui n’en pensent pas moins. On peut parfaitement avoir de bonnes raisons d’avoir peur ou de ne pas pouvoir exprimer une opinion. Dans ce cas-là, le mieux est de se taire.

Le pseudo, coquetterie d’artistes ou paravent à usage pratique

Mais me fera-t-on remarquer, n’as-tu pas longtemps écrit sous le pseudonyme du Yéti ? Vrai, mais si ce pseudonyme me servait de paravent public commode pour des raisons professionnelles, il ne visait pas à anonymiser l’auteur du yetiblog. Quiconque me contactait, parfois pour m’engueuler sous anonymat, recevait toujours une réponse signée de mon vrai nom. Le yetiblog était déclaré sous ma vraie identité avec ma vraie adresse. Et j’ai aussitôt repris mon vrai patronyme pour signer mes billets quand la retraite fut venue.

Si l’anonyme a recours lui aussi au pseudo, le pseudo n’est pas synonyme d’anonymat. Personne n’ignore le véritable patronyme de Fly Rider (alias Maxime Nicolle), pas plus que personne n’ignorait celui de Johnny Halyday (Jean-Philippe Smet). Le pseudo est aussi une coquetterie d’artistes ou un simple paravent à usage pratique.

La clandestinité politique, refuge ultime des résistants

L’usage du pseudonyme est également courant en situation de clandestinité : le colonel Fabien (alias Pierre Georges, résistant communiste) le capitaine Alexandre (alias le poète René Char – photo). On ne saurait évidemment confondre l’anonymat, repaire des poltrons et des fuyards, avec la clandestinité politique, refuge des résistants qui mènent des combats, souvent armés, contre des forces hostiles. Dans son aspect noble (nous parlons ici exclusivement de la clandestinité politique), la clandestinité est le recours ultime du combat politique.

Vous pouvez parier aujourd’hui que les Gilets jaunes – ou quel que soit le nom qu’ils arboreront alors – finiront par sacrifier à cette clandestinité lorsqu’il deviendra vital de neutraliser les derniers représentants d’un capitalisme mortifère en train de ruiner les conditions de vie sociale, écologique et climatique de leurs populations dans leurs pays et sur leur planète.

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