Comment j’ai participé à l’agonie du marché automobile

Et vlan, nouveau gadin pour les ventes des bagnoles en Europe ! 10,5 % d’immatriculations de voitures neuves en moins pour le dernier mois de février. Retour dix ans en arrière, gémit l’Association européenne des constructeurs automobiles (ACEA). La bagnole, vous vous rappelez, ce symbole un peu concon de la toute puissance mâle, avec ses pubs si ridicules d’arrogance et de niaiserie ? Terminé !

Faut que je vous raconte. Je viens de prendre ma retraite. Fini le véhicule de fonction qu’on me changeait tous les deux ans depuis 1987. Avec droit d’utilisation à usage personnel. Voilà qu’il m’a fallu choisir (et payer) moi-même la caisse qui va transporter mes vieilles fesses pour les années à venir. Sans parler de cette foutue assurance, des révisions, du remplacement des pneus… Oh misère !

Depuis 87, j’ai alterné Laguna, puis Scénic. Tout pour Renault. Pas le choix. Imposé par mon employeur. Mais bon, je m’en fichais. C’était bonnard. Un bonus en nature.

Électronique récalcitrante

Or voilà que je me retrouve à devoir faire face à la dure réalité du principal poste de dépenses des ménages français. Que conduire ?

Très vite, j’ai compris que c’en était fini des Scénic, des Laguna. Mais que Peugeot, Citroën et tous leurs concurrents étrangers, européens ou japonais ou coréens du même acabit ne perdaient rien pour attendre.

Invraisemblable, l’évolution de la bagnole, ces vingt-cinq dernières années ! Pensez que ma première Nevada n’avait même pas de direction assistée et qu’on ramait comme des malades pour ne même pas réussir correctement nos créneaux.

Aujourd’hui, des « chiottes » bourrées d’électronique à ne savoir qu’en faire, à n’en avoir que faire ! Et qui tombent en panne pour un oui pour un non. Parfois cocasse comme cet allumage électronique des phares qui éteignait systématiquement l’éclairage du tableau de bord de ma dernière Scénic.

Parfois beaucoup plus inquiétant, comme cette Laguna qui m’incitait à vérifier le gonflage de mes pneus et qui a fini par continuer tout droit à un stop, parce qu’en guise de pression de pneus, c’était le liquide de frein qui fuyait.

Conduire en père peinard

Le choix a été vite fait, en fait. Hors de question d’acquérir une patache dans laquelle il est impossible de changer soi-même une ampoule de phare sans la conduire d’abord au garagiste pour, manip’ indispensable, qu’il dépose l’aile au préalable.

Pas question non plus d’acheter une chignole avec DOUBLE climatisation, une pour le conducteur, une pour le passager, avec possibilité de choisir deux températures différentes… pour un seul et même petit espace clos ! Père Ubu, sors de cette ferraille en plastique !

J’ai opté pour ce qu’ils appellent encore — mais de moins en moins fort — « l’entrée de gamme ». Une Dacia Lodgy, grande brêle dégingandée avec des fenêtres de portes arrières à la manivelle, des ampoules de phare à portée de conducteur lambda et une ventilation bien ronflante.

Un moteur Scénic, mais sans le tralala électronique. Enfin, juste le minimum — ah, la direction assistée ! — et sans les emmerdements qui vont avec. Le tout pour DEUX fois moins cher que le bolide dernier cri au moteur identique ! À conduire en père peinard. Tout ce qu’il me faut et rien de plus.

Les corbillards 4×4

J’ai lu que c’est Dacia (+16 % en février) qui avait sauvé la mise au groupe Renault et à son président survitaminé du revenu. Les autres, tous les autres, dans les choux : Peugeot/Citroën -13,2%, Ford -21 %, General Motors -20,6 %…

Remarquez, dire que Dacia a sauvé la mise à Renault (-14,8 % pour la marque elle-même) est peut-être un peu abusif. Les chiffres fournis par l’ACEA ne prennent en considération que le nombre des immatriculations et non le chiffre d’affaire qu’elles génèrent Or, rappel, il faut deux Dacia Lodgy pour valoir une Scénic (en euros !).

Au final, ce qui rassure, c’est que la bagnole est en train de perdre le pouvoir de représentation sociale qui la rendait si gonflante, avec ces zozos surexcités au volant, ces harpies vociférantes qui se prenaient pour l’égal de ce que les mecs ont de plus navrant.

Oh bien sûr, restent bien quelques dinosaures à jouer les nounouilles importants derrière les pare-brises aux couleurs de deuil de leurs corbillards 4×4. Et quelques velléitaires un peu fauchés. Mon vendeur Dacia me racontait que le modèle Duster connaissait un véritable engouement, avec un châssis façon 4×4… mais en version 2×2 pour la frime à prix éco !

La race des veaux dévots s’éteint doucement. Vive la crise !

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