
Le lynchage de Tariq Ramadan avant procès, ou comment des accusateurs deviennent aussi odieux que leur accusé.
Résumons, Tariq Ramadan est un prof d’université, prédicateur de la religion musulmane. C’est son droit. Comme c’est le droit des curés catholiques, des rabbins judaïques ou des pasteurs protestants de prêcher la « bonne parole » (selon eux) à leurs ouailles. Et pour peu qu’ils ne viennent pas chauffer le poil des athées peinards (dont je suis).
C’est le cas pour Tariq Ramadan qui à ce que je sache, n’a jamai tenus de propos choquants sur les femmes, ni en faveur du terrorisme, ni remis en cause mon droit à l’athéisme.
Maintenant, si en privé Tariq Ramadan s’est vraiment comporté vis-à-vis de certaines femmes comme le disent ses accusatrices, eh bien c’est un salopard de plus, comme Harvey Weinstein, comme Dominique Strauss-Kahn, comme les curés pédophiles et comme un sacré ramassis de détraqués de la braguette et de la domination mâle, si l’on en croit le fil du hashtag #balancetonporc…
Mais pour Tariq Ramadan, il y a manifestement des circonstances aggravantes liées à sa religion. L’Islam comme incitateur naturel au viol, c’est manifestement le cheval de bataille de ses accusateurs. Qu’aurait-on dit si les unes de nos médias avaient titré sur les « violeurs juifs » Weinstein et DSK, avaient condamné le catholiscisme parce que l’Église avait protégé ses curés pédophiles ?
Non seulement Tariq Ramadan est condamné sans qu’il n’y ait encore aucune décision de justice à son encontre – il n’est pour l’heure que simple accusé, tout comme le fut il y a quelques temps un Julian Assange – mais c’est toute sa religion qui est aujourd’hui mise au pilori par ses accusateurs. Et pas seulement l’homme et sa religion, mais aussi tous ceux qui ne l’avaient pas assez précipitamment condamné avant : Edwy Plenel et tous les « islamo-gauchistes » désignés…
Les « Charlie » ressortent de la naphtaline tous crocs dehors
Bref, tout ça pue le lynchage sans nuance. Les « Je suis Charlie », autrefois dézingués par Emmanuel Todd, sont manifestement ressortis de la naphtaline, tous crocs dehors. Caroline Fourest est déchaînée sur l’air du je vous l’avais bien dit :
« Depuis 2009, je savais qu’il [Tariq Ramadan, ndlr] menait une double-vie. »
Passons sur le fait que depuis huit ans, elle ne nous avait justement strictement rien dit sur ce sujet ! Mais il y a argument pire et plus sournois, comme je l’ai lu encore ce matin sur Twitter, dans la longue logorrhée anti-Plenel déversée par une certaine Céline Pina :
« Et pendant qu’un peuple, bouleversé, les pleurait, des gens comme Tarik Ramadan ont justifié ces actes (tout en les condamnant pour la forme, histoire d’éviter les ennuis). »
À partir de là, vous comprenez, tout est permis : une personne n’est habilitée à condamner un acte que si des Céline Pina ou des Caroline Fourest leur en accordent le droit ! On est dans le cas typique de ces périodes troublées où les pétages de plomb de foules vociférantes tiennent lieu de tribunaux de circonstances, de procès d’intention définitifs, de jugements expéditifs et bientôt d’exécutions sommaires.
Aujourd’hui, Tariq Ramadan va devoir rendre des comptes à la justice pour les faits qui lui sont reprochés et c’est très bien comme ça. Mais nous, c’est d’autres hystériques qui nous reste à affronter.