Affaire Benalla : l’Élysée et le gouvernement déclarent la guerre au Sénat

Nous voici donc dans un pays où un très proche du président de la République peut déclarer à propos des sénateurs qui le convoquent devant leur commission d’enquête : « Je n’ai aucun respect pour eux. »

Florilège :

 « Aujourd’hui, on me contraint, envers et contre tous les principes de la démocratie française. 

Je vais venir, à la convocation. Parce qu’on me menace. On me menace vraiment d’une manière directe.

Je vais venir m’expliquer devant la commission d’enquête, en tout cas la mission d’information qui s’est vue attribuer les prérogatives d’une mission d’enquête, mais qui n’en a aucun droit, et qui bafoue notre démocratie. Qui la foule de son pied.

M. Philippe Bas [sénateur LR, président de la commission d’enquête du Sénat, ndlr], ce petit marquis, m’impose aujourd’hui de venir devant lui, sinon il m’envoie la police ou la gendarmerie. (…) Ce sont des petites personnes qui n’ont aucun droit, et aucun respect pour la République française et la démocratie. (…) Et aujourd’hui, ces personnes bafouent le principe de notre démocratie qui est fondé sur la séparation des pouvoirs. Il y a des gens qui se sentent au-dessus des lois, et qui les font pourtant. Et ça c’est incompréhensible pour moi. (…) Moi, j’ai des comptes à rendre à la justice française. Le Sénat français, qui bafoue les règles constitutionnelles de notre pays, très sincèrement, je vous le dis franchement, je n’ai aucun respect pour eux. »

Notez le silence du Président de la République sur les dérives de son garde du corps attitré

Nicole Belloubet, Garde des Sceaux, ministre de la Justice.

Mais nous voici aussi dans un pays où un membre du gouvernement, Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la Justice, vole au secours d’une petite frappe mouillée jusqu’au coup et se permet de contester une décision pourtant parfaitement constitutionnelle du Sénat :

« Alexandre Benalla est la principale personne qui est mise en cause dans cette information judiciaire et il me semble délicat qu’il puisse intervenir et parler devant une commission d’enquête parlementaire parce que je crois qu’il y aurait une confusion des rôles, des genres, qui n’est pas forcément très saine. »

Comment qualifier autrement que de déclaration de guerre cette offensive grossière de l’Élysée (notez le silence du Président sur les dérives de son garde du corps attitré) et du gouvernement contre une chambre parlementaire ?

Plus grand-chose n’est étonnant dans ce pays où une députée LREM (Yaël Braun-Pivet) sabote les travaux d’une autre commission d’enquête sur la même affaire, où un président de la République fait nommer au perchoir de l’Assemblée un proche pourtant sérieusement poursuivi par la Justice pour prise illégale d’intérêts, où la ministre de la Culture, elle-même empêtrée dans moult affaires de conflits d’intérêts, promeut une personne lourdement condamnée à trois mois de prison avec sursis en 2016 et suspendue de la fonction publique pendant six mois pour détournement de biens sociaux

On ne peut même plus dire que le masques tombent. Il y a belle lurette qu’ils n’existent plus.

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