« Nous ne voulons pas de votre monde » (Jean-Luc Mélenchon, déclaration d’intention de vote, 13 juillet 2017)

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Discours de Jean-Luc Mélenchon prononcé à la tribune de l’Assemblée nationale le 13 juillet 2017 pour expliquer le vote de la France insoumise contre le projet de loi d’habilitation du gouvernement à prendre par ordonnances des mesures contre le code du travail.

<< C’est un moment grave et important que nous vivons et je veux en marquer la solennité en m’exprimant depuis la tribune de notre Assemblée. Je dis aux braves gens qui nous entendent à cette heure qu’un évènement se produit sous leurs yeux dans la douceur de l’été sans peut-être qu’on s’en rende vraiment compte.

L’ordre social républicain va être renversé. Là où hier régnait la loi et où il était toujours possible de s’entendre dans la branche ou dans l’entreprise pour améliorer, dorénavant la source de la norme sera dorénavant dans l’entreprise, là où il n’y a pas selon nous des rapports libres et égaux comme ils le sont lorsque les citoyens vont pour voter, qu’ils choisissent leurs représentants qui eux fixent la loi qui s’appliquent à tous, partout de la même manière.

Dix-huit millions de personnes vont voir leur situation juridique et leur rapport de subordination dans le travail radicalement modifiés. Les institutions du personnel seront moins fortes. Et dans le contrat de l’avenir, seule une des deux parties est liée.

<< C’est une vision du monde que nous portons >>

À juste titre, on a dit ici que le travail, sa nature, son contenu, son objet allaient connaître dans les décennies qui viennent une profonde mutation. C’est à nous d’empêcher qu’elle se règle à la sauvage. Et quand je dis sauvage, je ne parle pas des rapports personnels, je parle de la brutalité qui résulte de ce mythe de la main invisible du marché qui serait au fond le grand organisateur d’un bon ordre et d’une bonne harmonie. Nous n’y croyons pas un seul instant. Nous croyons tout le contraire. On l’a dit, dans ce type de circonstances, la force va à la force. Et seule la loi protège le faible.

Mais quand nous combattons les dispositions qui nous ont été proposées, nous ne défendons pas seulement les protections des salariés acquises au prix de tant de luttes. C’est une vision du monde que nous portons. Nous ne voulons pas de votre monde ! Nous ne voulons pas d’un monde dominé par la marchandise, où produire n’importe quoi, n’importe comment, du moment que ça se vend est la norme de vie de la société.

Nous voulons une société dans laquelle le collectif délibère parce que dans tout ce qui est entrepris par l’activité humaine, il est temps dorénavant d’introduire une vision supérieure qui est celle de l’intérêt général de l’humanité directement mis en cause par notre façon de produire et d’agir.

<< Braves gens, révoltez-vous ! >>

C’est pourquoi au terme d’un si long débat, c’est le moment de vous dire que jusqu’à l’heure où vous aurez promulgué les ordonnances, et ensuite encore, nous ne serons pas seulement une opposition, mais une alternative. Et nous disons d’ores et déjà à tous ceux qui nous entendent, le moment viendra où en nous choisissant et en nous confiant les responsabilités de l’État, vous nous donnerez les moyens d’abroger la totalité de ces ordonnances.

D’ici là, braves gens écoutez, souvenez-vous du message du jeune La Boétie dénonçant les conditions de notre servitude : << Souvenez-vous, ils ne sont forts que si nous nous laissons faire. >>

Et c’est pourquoi, m’exprimant au nom de tous ceux qui nous ont conduits jusque sur ces bancs, je vous appelle à la lutte. Les gens, pensez à ceux qui nous ont fait la vie que nous avons. Soyez à la hauteur et l’honneur de ceux qui nous ont acquis au fil des luttes les protections qui vous été acquises jusqu’à cette heure. Braves gens, ne le supportez pas. Organisez-vous. Révoltez-vous ! Faites en sorte que ce gouvernement, saisi par la force de votre mobilisation, hésite et pour finir recule. >>

 

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