Le Grand jeu : conflagration ?

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Ce blog n’a jamais fait dans le sensationnalisme et a toujours refusé de tomber dans la facilité, mais les nouvelles ne sont pas rassurantes. Certes, il se peut encore que tout cela ne soit qu’un petit jeu, bien dangereux et assez pitoyable d’ailleurs, de politique intérieure. Mais…

Ainsi le Donald a-t-il une fois de plus — une fois de trop ? — succombé à l’intense pression de l’État profond, du moins une partie, et lancé un menaçant avertissement à Damas. Cela a d’ailleurs pris à peu près tout le monde de court, y compris une partie de ses généraux. Une fois n’est pas coutume, la presse impériale elle-même semble relativement grave et précautionneuse. Le New York Times évoque entre les lignes une << très inhabituelle déclaration dont le motif est incertain >>. Quant au Los Angeles Times, il s’interroge sur un communiqué << sans preuve et sans explication >>. Les deux journaux mentionnent plusieurs officiels des Affaires étrangères, du Pentagone et des agences de renseignement pris par surprise, sans avoir été consultés.

Personne n’est évidemment dupe du prétexte de l’inénarrable << attaque chimique >>, c’est un false flag annoncé à l’avance et sans aucune vergogne. Quel gogo peut encore décemment croire qu’à chaque fois qu’Assad est vainqueur sur le terrain, il est subitement pris d’un coup de folie et ordonne une attaque chimique provoquant représailles et sanctions ? Même Goebbels trouverait que non, c’est décidément trop gros et ça ne passe plus…

Un gros malaise doit actuellement traverser l’institution militaire américaine. Avant-hier, le toujours excellent Seymour Hirsh publiait un article détaillé démontant totalement l’intox de Khan Cheikhoun il y a trois mois. Si le fidèle lecteur des Chroniques n’y apprendra rien de fondamental, le texte est très intéressant car il montre le désarroi de plusieurs officiers US :

<< Rien de tout cela n’a de sens. Nous SAVONS que ce n’était pas une attaque chimique… Les Russes sont furieux… >>

Il montre aussi que l’état-major russe avait tout donné aux Américains : le plan de vol, la cible (un bâtiment de deux étages où allait avoir lieu une réunion entre pontes d’Ahrar al-Cham et d’Al Nosra). Moscou avait même directement prévenu la CIA au cas où celle-ci aurait des agents infiltrés susceptibles d’assister à la rencontre.

Après la Ghouta et s’être fait rouler ainsi à Khan Cheikhoun, on voit mal la Russie accepter le rôle du benêt une nouvelle fois. De fait, l’avertissement du Kremlin a été sec : << Les menaces américaines sont inadmissibles. >> Les avions de reconnaissance de l’USAF qui ont survolé aujourd’hui la côte syrienne cherchaient peut-être d’ailleurs à savoir si les S400 sont déjà en état d’alerte.

Que feront les Russes si un autre false flag a lieu et si Cretinho met ses absurdes menaces à exécution ? Se dirigera-t-on vers un conflit ouvert entre les deux premières armées de la planète ? Les grandes guerres commencent souvent petitement… Les historiens du futur, s’il y en a encore, se pencheront sur les causes de la conflagration. C’est le Los Angeles Times, cité plus haut, qui nous donne la clé. Là encore, le lecteur ne sera pas surpris :

<< Une source non-gouvernementale proche de la Maison blanche a déclaré que l’administration avait reçu des  informations selon lesquelles les Syriens mélangeaient des agents chimiques pour une possible attaque au gaz sarin dans l’est ou le sud du pays, où l’armée gouvernementale et les milices alliés ont récemment connu des reculs. >>

Notons l’invraisemblable désinformation de la dernière ligne, typique du bourrage de crâne préparant le chemin à une guerre. Les loyalistes avancent partout, il est absolument infantile de prétendre le contraire :

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Le sud et l’est, l’arc chiite donc… Dans le dernier billet sur la Syrie, nous prévenions :

Dans le contexte actuel, tout le jeu pour l’ours consiste à montrer les dents sans utiliser ses griffes, en se laissant simplement porter par le vent de l’Histoire. Nul doute que d’autres provocations auront lieu, auxquelles il faudra ne pas répondre tout en grognant assez fort pour qu’elles ne se répètent pas trop souvent.

À l’instant, Israël a d’ailleurs bombardé des positions syriennes dans l’extrême-sud alors que l’armée est aux prises avec Al Qaeda. Réaction infantile, sur un théâtre secondaire faut-il préciser, de Bibi ben Laden, impuissant devant la reconstitution de l’arc chiite.

Nous y voilà… Devant l’inexorable avance loyaliste le long de la frontière syro-irakienne, Saoudie et Israël entrent en mode panique. Est-ce un hasard si l’article du New York Times déjà cité parle de << renseignements transmis par des alliés — dont Israël >> ? Consciemment ou non, Cretinho et son entourage gobent l’intox, sans doute confortés par une partie de l’État profond mais peut-être pas dans sa totalité. Car cette fois, le petit jeu de duperie des deux dernières fidèles canailles du système impérial peut mener à une très dangereuse et très réelle escalade.

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=> Source : Le Grand jeu

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